I)
L'organisation de la Justice
Les Seigneurs
Justiciers ne peuvent donner l'état de prévôt, ou de procureur
de la seigneurie, à celui qui en sera fermier; autrement ce
serait établir un même homme agent et patient, outre l'indécence
qu'il y aurait que le Juge de la Seigneurie en fût aussi le
fermier.
Les Juges
subalternes ne peuvent point être receveurs des Seigneurs dont
ils sont juges.
Les juges
des Seigneurs doivent agir en tout dans la vue de rendre la
justice, et non pas le dessein de plaire à leurs seigneurs.
Le Lieutenant
de Juge seigneurial doit être créé par le Seigneur et non par
le Juge.
Un juge
subalterne est compétent pour corriger et punir les officiers
d'une autre justice subalterne qui lui est inférieure.
Quand les
seigneurs ont la propriété de la justice de leur terre, elle
leur est patrimoniale, de même que le fief auquel elle est annexée.
S'ils sont alors troublés en la possession de leur justice,
soit Haute, Moyenne ou Basse, ils peuvent donc former complainte
contre ceux qui se prétendent possesseurs légitimes de la même
justice. De ce que les justices sont patrimoniales en France,
il s'ensuit que le Roi même n'en peut pas disposer au préjudice
des seigneurs.
La Haute
justice comprend les deux autres et la Moyenne comprend la Basse.
La raison en est, qu'ordinairement celui qui peut le plus, peut
aussi le moins.
On n'appelle
point de la Basse Justice à la Moyenne, on va droit à la Haute;
ce qui est une exception à la règle qui veut que tout appel
soit porté "gradatim" au juge supérieur, "non
omisso medio".
A l'égard
des appellations interjetées des sentences du Moyen-Justicier,
elles vont, conformément à la règle ordinaire, à la Haute Justice.
Les Hauts
et Moyens Justiciers ont un procureur fiscal; mais le Bas Justicier
n'en a point, parce qu'il ne juge aucune cause où le Roi et
le public aient intérêt.
II)
La Haute Justice
Le Haut
Justicier est un seigneur qui a Haute, Moyenne et Basse Justice,
c'est-à-dire droit de connaître de toutes causes réelles, personnelles
et mixtes entre ses sujets, et qui a droit et puissance de glaive
sur eux. Les seigneurs l'ont "habens jus gladii ad animadvertendum
in facinorosos homines": c'est pourquoi ils ont droit d'avoir
fourches patibulaires, piloris, échelles et poteaux à mettre
carcan.
Le juge
de la Haute Justice peut faire criées et proclamations publiques,
et connaître de tous les crimes qui se commettent dans l'étendue
de sa juridiction, pour lesquels il y a peine afflictive; mais
le Bas ni le Moyen Justicier ne peuvent connaître des crimes
où il y a effusion de sang.
Pour l'exécution
de sa Justice, le seigneur Haut Justicier doit avoir des juges
et des officiers par le ministère desquels il l'exerce. Il doit
aussi avoir des geôliers et des prisons sûres et raisonnables
suivant l'Ordonnance; car le droit de Justice renferme essentiellement
le devoir de la faire rendre, et les autres devoirs particuliers
qui font les suites de ce premier.
Les juges
des Seigneurs Hauts Justiciers ne peuvent toutefois connaître
des cas royaux, tels que sont le crime de lèse-majesté, fausse
monnaie, assemblées illicites, vols et assassinats sur les grands
chemins, et autres qui sont marqués dans l'Ordonnance de 1670.
Mais à l'exception de ces cas (dont la connaissance appartient
aux juges Royaux privativement aux juges des seigneurs), les
Hauts Justiciers peuvent connaître de tous les autres crimes
qui sont commis dans l'étendue de leur juridiction et territoire
de leur seigneurie.
Ils connaissent
donc des vols faits dans les maisons, jardins et héritages,
des assassinats et homicides volontaires commis hors les grands
chemins, de l'homicide de soi-même, de la suppression et latitation
(c'est-à-dire le recel) de part, et de l'incendie, pourvu néanmoins
que les crimes que nous venons de rapporter aient été commis
par des gens domiciliés et non vagabonds.
Les juges
des seigneurs Hauts-Justiciers peuvent, dans les cas qui sont
de leur compétence, condamner les coupables au fouet, au carcan,
à faire amende honorable, à être marqués d'un fer rouge, au
bannissement de la Juridiction ou détroit, et même à la mort.
Mais ces
condamnations ne peuvent se mettre à exécution qu'elles n'aient
été confirmées par les juges supérieurs, soit que l'accusé s'en
plaigne ou non, suivant l'article 6 du titre 26 de l'Ordonnance
de 1670. Cet article ordonne que si la sentence rendue par le
juge des lieux porte condamnation de peine corporelle, de galères,
etc., soit qu'il y ait appel ou non, l'accusé et son procès
seront envoyés ensemble aux prisons des Cours supérieures. Ainsi
lorsque le condamné ne se plaint point du jugement de condamnation,
le Procureur Fiscal est tenu de se rendre appelant pour lui.
Les juges
des seigneurs Hauts-Justiciers doivent tenir la main à ce que
la police soit observée: d'où il s'ensuit qu'ils doivent empêcher
les débauches publiques et les commerces infâmes de prostitution.
Outre la
connaissance qui leur est attribuée en matière criminelle, pour
la punition des délits et crimes dans l'étendue de leur détroit,
ils connaissent encore au civil:
- de toutes causes réelles, personnelles et mixtes;
- ils ont droit de créer et bailler des tuteurs et curateurs
et d'apposer les scellés;
- ils ont droit de faire inventaire des biens des mineurs auxquels
ils ont fait pourvoir de tuteurs et curateurs et non autrement;
- ils peuvent faire les décrets des biens situés dans leur détroit,
pourvu que les criées aient été faites et publiées dans le lieu
de leur juridiction;
- ils connaissent des causes d'entre le seigneur Haut Justicier
et ses sujets pour ce qui concerne les domaines, droits et revenus,
ordinaires et casuels de la seigneurie, même des baux concernant
les dits droits.
Mais ils
ne peuvent connaître des autres causes où le seigneur a intérêt,
comme promesse, ou obligation, ou réparation d'injures. Si le
juge du seigneur Haut Justicier pouvait connaître des causes
où son seigneur aurait intérêt, pour raison de telles choses,
le seigneur lui-même serait juge dans sa propre cause, par rapport
aux égards que son juge pourrait avoir pour lui, et par rapport
à la crainte qu'il pourrait avoir d'être par lui destitué, au
cas qu'il fit quelque chose qui pût lui déplaire.
La Déclaration
de 1537 porte que tous les seigneurs de fief qui ont Justice
pourront la faire exercer entre personnes nobles et plébiens,
tout ainsi qu'ils ont fait avant l'Edit de Crémieu.
Il y a d'autres
causes dont la connaissance est interdite aux juges des seigneurs
Hauts Justiciers, en matière civile:
- ils ne peuvent connaître de toutes les causes qui sont réservées
au juge Royal, privativement aux juges subalternes; savoir celles
qui concerne le Domaine du Roi et où le Roi a intérêt; celles
qui regardent les officiers Royaux; celles des églises Cathédrales
et autres privilégiées et de fondation royale; les causes des
officiers du Roi et de ceux qui ont leurs causes commises, quand
ils veulent s'en servir.
- Ils ne peuvent aussi connaître des dîmes, si elles ne sont
inféodées et si elles ne sont tenues en fief du seigneur Haut
Justicier; encore la prévention en appartient-elle aux juges
Royaux.
- Ils ne peuvent aussi connaître des actions qui naissent à
raison des fiefs nobles, soit entre gentilshommes ou roturiers.
- Ils ne leur appartient pas aussi de donner des tuteurs ni
des curateurs aux nobles; de procéder à leur émancipation, ni
de faire aucun acte qui concerne cette espèce de tutelle ou
de curatelle.
- Les juges des Hauts Justiciers ne peuvent connaître des complaintes
(c'est-à-dire d'une action possessoire, par laquelle le possesseur
d'un héritage ou droit réel, qui est troublé en sa possession
s'en plaint et demande d'être maintenu dans sa possession, et
que défenses soient faites de l'y troubler) pour des bénéfices
qui sont au-dedans de leurs Hautes Justices.
- Ils ne peuvent point aussi user d'arrêt ou emprisonnement
sur aucun officiers Royaux, comme Notaire ou Sergents, qui instrumentent
ou exploitent dans le détroit de leurs Hautes Justices. Mais
ceux qui prétendent qu'ils ont failli peuvent en porter leurs
plaintes au prochain juge Royal, pour en avoir justice.
Dans toutes
les matières sommaires qui sont de la compétence des Hauts Justiciers,
leurs sentences sont exécutoires par provision, nonobstant l'appel
jusqu'à la somme de 1000 livres, en baillant caution, suivant
l'article 14 du titre 17 de l'Ordonnance de 1667.
L'article
13 du même titre dit que, dans les matières sommaires, les juges
des Pairies et autres Justices subalternes qui ressortissent
immédiatement au Parlement, peuvent juger définitivement, nonobstant
l'appel, jusqu'à la somme de 40 livres; et que les juges des
autres juridictions subalternes, non ressortissantes sans moyen
au Parlement, jugeront définitivement jusqu'à la somme de 25
livres, encore qu'il n'y ait aucun contrat, obligation ,ni promesse
reconnue.
Il y a un
Règlement de la Cour du 7 Décembre 1689 qui fait défense à tous
juges de ressort d'ordonner l'exécution provisoire de leurs
sentences pendant l'appel, sinon dans les cas portés par l'Ordonnance.
Les appellation
interjetées des juges Hauts Justiciers se relèvent par-devant
les Baillis et Sénéchaux des provinces, quand les seigneurs
Hauts Justiciers relèvent immédiatement du Roi. Mais s'ils relèvent
d'un seigneur Suzerain qui ait droit de ressort, elles se relèvent
par devant le juge de ce seigneur Suzerain, si ce n'est en matière
criminelle, où les appellations des Hauts Justiciers sont directement
portées au Parlement, quand il y a peine afflictive (c'est-à-dire
peine corporelle).

1) Droits
utiles du Seigneur Haut Justicier :
a) Amendes
: Le Seigneur Haut Justicier perçoit sa part des amendes.
b) Droit
de Confiscation : la confiscation des biens est toujours
prononcée en cas de condamnation à mort, aux galères perpétuelles
ou au banniment perpétuel. Le Seigneur devient alors propriétaire
des biens du condamné, à l'exception d'1/3 que l'on adjuge à
la veuve et aux enfants de celui-ci. Les biens sur lesquels
le Seigneur a le droit de confiscation sont seulement ceux qui
sont situés dans sa Juridiction. Le Seigneur succède également
aux dettes qu'il est obligé de payer, ainsi que les frais du
procès, jusqu'à concurrence de la valeur des biens confisqués.
c) Droit
de Sang : amende que paie celui qui s'est battu jusqu'à
effusion de sang.
d) Droit
de Deshérence : le Seigneur Haut Justicier succède aux personnes
qui meurent sans avoir fait de testament et sans laisser de
parents connus, pour les biens qui se trouvent dans sa juridiction.
Le Seigneur recueille aussi la succession du bâtard mort "ab
intestat" et sans enfants, à condition qu'il soit né, qu'il
ait vécu et qu'il soit mort dans sa juridiction. A défaut de
l'une de ces conditions, le droit du Seigneur Haut Justicier
est détruit au profit du Roi.
e) Droit
d'Epave : le Seigneur devient propriétaire des "épaves",
c'est-à-dire des bêtes ou des choses mobilières égarées, et
dont le propriétaire primitif n'a pu être retrouvé. Par un curieux
rapprochement, on rattache au droit d'épave l'obligation qu'incombe
au Seigneur de nourrir les enfants trouvés dans sa juridiction.
f) Droit
de Chasse : le droit exclusif de la chasse appartient au
Seigneur Haut Justicier, qui a seul le droit de la défendre
ou de l'autoriser dans l'intérieur de sa juridiction. Ce droit
est rigoureusement personnel; le Seigneur qui chasse en personne
peut se faire accompagner. S'il ne peut chasser lui-même, il
peut faire exercer son droit par un garde-chasse portant bandoulière
à ses armes, et inscrit à la Maîtrise des Eaux et Forêts
Le Seigneur
Haut Justicier conserve le droit de chasser personnellement
dans toute sa juridiction, même dans les fiefs appartenant à
des Seigneurs Directes jouissant eux-mêmes du droit de chasse.
Les amendes
pour faits de chasse se répartissent comme les autres, entre
les mains des co-seigneurs Justiciers, en proportion de leurs
parts de Justice.
g) Droit
de Pêche : il appartenait, comme le droit de chasse, au
Seigneur Haut Justicier, mais il était l'objet d'autorisations
générales d'usage courant, et que n'interdisait aucune Ordonnance.
De plus, c'était un droit utile qui, à la différence de la chasse,
pouvait s'affermer au premier venu.
h) Droit
de Colombier : le colombier est un lieu bâti pour y nourrir
et y entretenir des pigeons. Il y en a de 2 sortes:
- les colombiers à pied, qui sont bâtis en forme de tour et
qui ont des paniers à tenir pigeons depuis le haut jusqu'au
rez-de-chaussée. Ce type de colombiers est une marque de noblesse
pour le Seigneur Haut Justicier. Nul ne peut en faire sans sa
permission;
- les volières et autres colombiers (nommées "volets"
ou encore "fuyes") sont ceux qui, bâtis sur piliers
ou sur solives, ont un cellier ou une étable dessous. Chacun
peut en faire construire si la coutume du lieu n'est pas contraire.
2)
Droits honorifiques du Seigneur Haut Justicier :
a) Les
Fourches Patibulaires : ce sont des colonnes de pierres
au haut desquelles il y a une traverse à laquelle les condamnés
à la mort sont attachés pour être étranglés, où, après avoir
été suppliciés, ils sont exposés à la vue des passants.
Il ne sert
donc qu'aux supplices capitaux, dont les exécutions ne se faisaient
autrefois que hors les villes. C'est pour cela elles sont toujours
plantées hors les bourgs, sur les terres de la Seigneurie (dans
les champs).
Seul le
seigneur Haut Justicier a le droit d'avoir des fourches patibulaires
(ou gibets), puisqu'il a le droit de condamner un criminel à
mort. De là vient que celui qui met à exécution les jugements
de condamnation à mort, est appelé "exécuteur de la Haute
Justice".
A l'égard
du nombre des piliers des fourches patibulaires, il y en a à
2, à 3, à 4 ou à 6, selon le titre et la qualité des fiefs qui
ont droit d'en avoir. Les simples seigneurs Hauts Justiciers
n'ont ordinairement droit d'avoir que des fourches patibulaires
à 2 piliers, s'ils ne sont fondés en titre ou possession immémoriale.
Les fourches à 3 piliers n'appartiennent de droit qu'aux seigneurs
châtelains; celles à 4 piliers n'appartiennent qu'aux barons
ou Vicomtes; celles à 6 piliers n'appartiennent qu'aux Comtes.
Mais après tout, ce droit est différent selon les différentes
coutumes.
Les fourches
patibulaires tombées doivent être rétablies dans l'an et jour
de leur destruction; après ce temps, il faut recourir au Prince
pour les rétablir. Il en va de même d'ailleurs pour les piloris,
échelles et poteaux à mettre carcan.
Il est à
remarquer que les Seigneurs particuliers ne peuvent élever des
potences dans les localités où le Roi a une portion de la Justice.
b) Le
Pilori : c'est un poteau qu'un Haut Justicier fait élever
en un carrefour pour marque de sa Seigneurie, où sont ses armes
et ordinairement un carcan. Il sert pour les punitions corporelles
non capitales qui, de tout temps, ont pu être faites dans les
villes; c'est pourquoi il est toujours mis au principal carrefour
ou endroit de la ville, bourg ou village de la Seigneurie.
Les seigneurs
qui n'ont que la Justice Moyenne et Basse n'ont pas le droit
d'avoir des poteaux ou piloris.
c) le
Carcan : c'est un poteau où l'on attache un criminel par
le cou avec un anneau de fer dans une place publique, et on
l'expose ainsi à la risée des passants. Ce supplice emporte
infamie. Il n'y a que les seigneurs Hauts Justiciers qui aient
le droit d'avoir dans leurs terres un poteau à mettre carcan.
d) Honneurs
à l'Eglise : Il possédait les honneurs suivants (souvent
objet de querelles sans fin):
- avoir un banc dans le coeur de l'église paroissiale ou dans
le lieu le plus éminent de l'église. Il était le seul à posséder
un tel honneur;
- précéder tous les habitants dans les processions et à l'Offrande,
avec sa famille (femme et enfants);
- recevoir en premier le pain bénit et les cierges;
- lors des aspersions d'eau bénite, le curé doit la lui donner
séparément et d'une manière distincte;
- le curé doit le recommander en sa qualité de Seigneur dans
les prières du prône;
- lorsque le Seigneur vient à mourir, l'on peint à l'intérieur
et à l'extérieur de l'église, en signe de deuil, une bande de
couleur noire (appelée "litre" ou "ceinture funèbre").
C'est un droit exclusif du Seigneur Haut Justicier.
e) Autorisation
des Danses Publiques : le Seigneur autorisait ou interdisait,
à son gré, les danses publiques. Sur ce dernier point, il était
énergiquement soutenu par le curé.
f) Publication
du Ban des Vendanges : l'époque de la vendange venue, les
prud'hommes de la Communauté fixent la date à laquelle on peut
commencer les vendanges. La date fixée une fois publiée, personne
ne peut vendanger plus tôt, sauf le Seigneur, qui a 2 jours
pour vendanger avant les autres (privilège qui lui donne des
facilités de main d'oeuvre). La publication est faite au nom
du Seigneur.

g) Droit
de Château : Le Seigneur Haut Justicier possède un château
avec tours, créneaux, girouettes, pont-levis et autres marques
de domination seigneuriale. Il est le seul qui peut autoriser
les particuliers à décorer leurs maisons de ces marques.
Le château
est une place d'honneur et de sûreté, qui est propre aux seigneurs
qui ont fief de dignité; de sorte que le château est regardé
comme le chef et principal manoir du fief, où réside l'honneur
et la marque de la domination du seigneur. Celui qui possède
le château et principal manoir d'une terre et seigneurie est
présumé avoir la juridiction, s'il n'apparaît du contraire.
Les vassaux
et rentiers n'y peuvent bâtir d'autres châteaux et forteresses
sans le consentement de leurs Seigneurs. Cela est absolument
certain à l'égard des tenanciers. A l'égard des vassaux, les
arrêts leur ont quelquefois permis, pourvu qu'il ne parût pas
que leur dessein fût, en bâtissant, d'insulter leurs seigneurs.
La concession
d'un château comprend le territoire et la juridiction annexés
au fief et au château au temps de la concession. Il en est de
même des moulins et des autres dépendances annexées au château
et domaine de celui qui dispose du château.
Les reliques,
les livres de chapelles, les ornements et les tableaux des châteaux
des grands seigneurs sont censés inhérents aux châteaux, et
par conséquent immeubles.
Les forains
qui n'ont pas d'habitation mais quelques terres, ne sont point
tenus de contribuer aux réparations du château du seigneur.
Plusieurs
Seigneurs Haut Justicier dénombrent le droit qu'ils ont d'exiger
des habitants, l'obligation de faire le guet et monter la garde
à leur château, en cas de guerre ou troubles. Ce droit s'accompagne
de celui de garder les clefs de la ville et d'obliger les habitants
à des corvées particulières pour la réparation des murailles
de défense.
h) Droits
divers : le Seigneur Haut Justicier a droit au respect de
ses justiciables, qui lui doivent le "salut". La prise
de possession de la Seigneurie par un nouveau Seigneur donne
lieu à un cérémonial.
i) Titre
: seul le Seigneur Haut Justicier peut prendre le nom de
"Seigneur de ...", en prenant le nom du village. Lorsqu'il
y a plusieurs Seigneurs Haut Justicier, le plus important prend
le titre de "Seigneur de...", les autres celui de
"Co-Seigneur de ..." ou "Seigneur de ... "
la portion qui dépend d'eux.
III)
La Moyenne et Basse Justice
Les appellations
des Bas et Moyens Justiciers se relèvent devant le Haut Justicier.
Ni les Moyens
Justiciers, ni Bas Justiciers ne peuvent faire d'adjudications
par décret.
Les Moyens
Justiciers ont la connaissance, ou, pour mieux dire, l'inspection
des mesures dans l'étendue de leur justice.
Comme le
Bas Justicier peut demander renvoi au Haut Justicier des causes
et matières qui sont de sa compétence, ce même droit appartient,
à plus forte raison, au Moyen Justicier.
1) La
Moyenne Justice
Le Moyen-Justicier
est un seigneur qui a le droit de Moyenne Justice, à cause de
la foi et hommage, et des droits qui lui sont dus par ses vassaux.
Voici les
articles qui expliquent le pouvoir du Moyen Justicier; et de
quelles causes connaît le juge qui est préposé à une Moyenne
Justice:
Il connaît
en première instance de toutes actions civiles, réelles, personnelles
et mixtes. Il a aussi la connaissance des droits et devoirs
dus au Seigneur, avec le pouvoir de condamner ses sujets à l'amende
de la Coutume.
En matière
criminelle, il peut connaître des délits ou crimes légers, dont
la peine ne puisse être tout au plus qu'une condamnation de
75 sols d'amende envers Justice. Si le crime commis en la terre
du Moyen Justicier méritait plus grave peine, le procureur fiscal,
appelé aussi procureur d'office, doit dénoncer le coupable au
Haut-Justicier, pour qu'il ait à en connaître.
Pour l'exercice
de la Moyenne Justice, il doit avoir Siège, Juge, Procureur
d'office, Greffier, Sergents, Prison au rez-de-chaussée, sûre
et bien fermée.
Peut le
dit Moyen Justicier prendre, ou faire prendre tous délinquants
qu'il trouve en sa terre, les emprisonner, informer, tenir le
prisonnier l'espace de 24 heures. A l'instant des 24 heures,
si le crime mérite plus grave punition que de 60 sols parisis
envers Justice, il est tenu de faire conduire le prisonnier
au Haut-Justicier, et y faire porter le procès, pour y être
pourvu. Ainsi la connaissance des crimes dont la peine donne
atteinte à l'honneur, n'appartient point au seigneur qui n'a
que Moyenne et Basse Justice, mais seulement au juge du seigneur
qui a la Haute Justice, auquel le vassal est obligé d'envoyer
les délinquants dans les 24 heures qu'ils auront été constitués
prisonniers.
Le juge
du Moyen Justicier peut donc informer, même décréter les prévenus
de crimes qui méritent plus grave punition que de 60 sols parisis
envers Justice, et faire dans les 24 heures l'instruction jusqu'à
sentence définitive exclusivement, et ensuite il doit transférer
les prisonniers dans les prisons du Haut-Justicier; mais après
les 24 heures, il ne peut plus en prendre connaissance, ni faire
aucune instruction.
Si le Haut
Justicier donne sentence contre un sujet du Moyen Justicier,
ou autre dont il aura fait la capture, et si celui-ci le fait
mener aux prisons du Moyen Justicier, le dit Moyen Justicier
prendra préalablement, sur l'amende ou confiscation, 60 sols
parisis, avec les frais de la capture et autres semblables.
Celui qui
a Moyenne Justice, peut créer et bailler tuteurs et curateurs,
et pour cet effet, faire apposer scellés, faire inventaire des
biens des mineurs auxquels il aura fait pourvoir de tuteurs,
et non autrement.
Peut le
Moyen Justicier faire mesurer, arpenter et borner entre ses
sujets les chemins et voies publiques, élire messiers dans la
saison, auxquels il fera taxe raisonnable, et condamner ses
sujets en l'amende par faute de cens non payé aux justices où
l'amende est due.
Droits
utiles du Moyen Justicier
Le Seigneur
Moyen Justicier Justicier perçoit sa part des amendes. S'il
ne possède pas de directe, il n'a aucun droit de chasse. Enfin,
il peut orner sa maison des marques seigneuriales: tours, créneaux,
girouettes et pont-levis, interdites à tout autre, sauf autorisation
du Seigneur Haut Justicier.
Droits
honorifiques du Moyen Justicier
Il a droit
au respect de ses justiciables, qui lui doivent le "salut"
et a toujours la préséance sur les Seigneurs Bas Justicier et
Directe.
2) La
Basse Justice
Le Bas Justicier
est un seigneur qui a droit de Basse Justice, que l'on appelle
Justice Foncière ou Censuelle, à cause du cens, et des charges
et redevances annuelles qui lui sont dues.
Le juge
préposé à une telle justice, connaît des droits dus au seigneur,
cens et rentes, exhibitions de contrats, pour raison des héritages
situés dans son territoire.
Il connaît
encore de toutes matières personnelles entre les sujets du seigneur,
jusqu'à la somme de 60 sols parisis.
Enfin, il
connaît de la police, du dégât des bêtes, d'injures légères,
et autres délits, dont l'amende ne pourrait être que de 10 sols
parisis et au-dessous.
Lorsque
le délit requiert une plus grande amende, il doit en avertir
le Haut Justicier, et alors le Bas Justicier prendra sur l'amende
adjugée jusqu'à 6 sols parisis.
Il peut
prendre en sa terre tous les délinquants, et pour cet effet
avoir maire, sergent et prison; à la charge toutefois de faire
incontinent après la capture, mener le prisonnier au Haut-Justicier,
avec l'information, sans pouvoir décréter.
Peut aussi
le Bas Justicier mesurer et mettre bornes entre ses sujets,
de leur consentement; connaître de la censive et condamner ses
sujets à l'amende, par faute de cens non-payé.
Le Bas Justicier
peut demander renvoi au Haut Justicier des causes et matières
qui sont de sa compétence.
On comprend
facilement qu'avec la dépréciation constante de l'argent, les
droits du Seigneur Bas Justicier avaient fini par devenir complètement
illusoires. Mais l'amour des titres a toujours été si grand
que l'on ne cessait d'usurper celui-là.
Droits
utiles du Bas Justicier
Le Seigneur
Bas Justicier Justicier perçoit sa part des amendes. S'il ne
possède pas de directe, il n'a aucun droit de chasse. Enfin,
il peut orner sa maison des marques seigneuriales: tours, créneaux,
girouettes et pont-levis, interdites à tout autre, sauf autorisation
du Seigneur Haut Justicier.
Droits
honorifiques du Bas Justicier
Il a droit
au respect de ses justiciables, qui lui doivent le "salut"
et a toujours la préséance sur le Seigneur Directe.
