Dans
la salle fixée pour le lieu de son assemblée, elle a élu,
pour comparaître et assister en ladite assemblée des Etats
Généraux, M. le marquis d'Argenteuil, maréchal de camp,
auquel elle donne les pouvoirs et instructions qui suivent.
Considérant
que les ministres du Roi, par le résultat de son conseil
du 27 décembre 1788, ont avoué, au nom de Sa Majesté,
les droits incontestables de la nation, et qu'il est indispensable,
pour la sûreté de tous individus qui la composent, que
ces droits soient en ce moment fondés sur des bases inébranlables,
ladite noblesse charge spécialement son député de déclarer
aux Etats Généraux que sa volonté est que lesdits Etats
statuent, dans la forme la plus authentique, sur les articles
suivants :
Art.
1er. Elle enjoint à son député de proposer aux Etats Généraux,
pour loi première et fondamentale, la répartition égale
et proportionnelle de tous impôts, y compris ceux que
les Etats de la province jugeront nécessaires pour les
dépenses de son administration particulière, suivant les
propriétés et facultés de chaque citoyen des trois
ordres, qui seront imposés sur le même rôle, renonçant
à tous privilèges pécuniaires. Si d'après cette première
loi, l'ordre du tiers-état persistait à demander de voter
par tête, la noblesse du bailliage d'Auxois enjoint à
son député de protester contre tout ce qui pourrait être
décidé aux Etats généraux du royaume, si, dans quelque
circonstance que ce soit, on y votait autrement que par
ordre. Il s'opposera à ce que la totalité des Etats généraux
soit divisée en différents bureaux dans lesquels on opinerait
autrement que par ordre.
Art.
2. Chaque ordre étant libre, elle enjoint à son député
de maintenir le droit que deux ordres ne pourront lier
le troisième, ainsi qu'il est constaté par les Etats généraux
tenus sous le roi Jean en 1355.
Art.
3. Demander la visite des prisons d'Etat par une commission
nommée par les Etats généraux.
Art.
4. De ne s'occuper, sous aucun prétexte, d'emprunts
ou de subsides à établir, même à proroger, soit pour assurer
la dette publique, soit toute autre raison avant d'avoir
assuré la constitution, et obtenu que les droits du Roi
et de la nation seront invariablement établis et fixés
par les lois fondamentales du royaume, lesquelles seront
enregistrées et promulguées pendant la tenue des Etats
généraux à mesure qu'ils les auront consenties. Leur préambule,
en conséquence, portera ces mots : De l'avis et consentement
des Etats généraux, et elles ne pourront jamais être
révoquées ni abrogées que par les mêmes Etats généraux.
Art.
5. Que les Etats généraux seront assemblés trois ans après
cette tenue ; qu'ils seront périodiques, nous en rapportant
auxdits Etats généraux pour fixer le terme de cette périodicité.
Art.
6. Demander qu'il soit reconnu par le Roi et la nation
que les Etats généraux du royaume ne pourront être perpétuellement
assemblés ; on ne pourra, dans aucun cas, y suppléer par
des assemblées particulières.
Art.
7. Que les baux à ferme, dans les règles, seront maintenus,
ratifiés et approuvés par les Etats généraux.
Art.
8. Que toutes impositions directes ou indirectes, soit
à titre d'emprunt, soit par création de charges, offices
ou telle autre dénomination que ce soit seront nulles
de droit si elles n'ont été établies du consentement des
Etats généraux.
Art.
9. Qu'en conséquence, les parlements et autres cours souveraines,
dépositaires des lois, demeureront autorisés à en maintenir
l'exécution ; à punir comme concussionnaires ceux qui,
de quelque manière que ce soit, auraient concouru à l'extraction
d'impôts non consentis par les Etats généraux et Etats
particuliers de la province, ainsi qu'à poursuivre, dans
tous les cas intéressant la nation, ceux, les ministres
mêmes, qu'ils auraient accusés et traduits devant leurs
cours.
Art.
10. Confirmer le droit qu'a la nation de se convoquer
elle-même à la mort d'un roi, pour décider les contestations
qui pourraient s'élever sur la succession au trône, comme
il arriva après la mort de Charles le Bel ; établir la
régence ; nommer un conseil de régence ; réformer les
abus qui se seraient établis pendant le dernier règne
; recevoir le serment que le Roi doit faire à la nation
de la maintenir dans ses droits et privilèges, laquelle
lui prêtera ensuite le serment de fidélité.
Art.
11. Qu'à l'avenir toute lettre de cachet soit prohibée,
qu'aucun citoyen ne pourra être exilé de son domicile,
qu'aucun officier public ou autre ne pourra être troublé
dans l'exercice de sa charge, en quelque sorte ou manière
que ce soit. (Déclaration de Louis XIV, 22 octobre 1648).
Que tout citoyen arrêté sera remis, dans les vingt-quatre
heures, dans une prison légale, entre les mains de ses
juges naturels, sous peine, contre quiconque aura coopéré
à l'emprisonnement, d'être déclaré incapable de posséder
aucun office, d'être condamné à tous dommages et intérêts
au profit de la personne lésée ; dans la cas seulement
où le danger de l'Etat ou du trône rendrait nécessaire
d'arrêter un citoyen sans le livrer au cours de la justice,
ni en donner raison, les motifs en seront communiqués
au conseil d'Etat, et l'ordre qui sera expédié sur son
avis sera signé de la propre main du Roi, et contresigné
de tous les membres de son conseil, lesquels membres,
s'il y avait surprise ou oppression, en seront responsables
aux Etats généraux assemblés, où devront être exposées
les causes de la détention, si elle subsistait au delà
du terme qui sera marqué par la loi qui sera établie à
cet effet.
Art.
12. Qu'il soit reconnu que les lits de justice, les enregistrements
par violence, par porteurs d'ordres, étant illégaux, n'auront
force ni valeur.
Art.
13. Déclarer décidément les ministres du roi, chacun dans
leur département, responsables des déprédations et de
la violation des lois, ainsi que toutes les atteintes
portées par le Gouvernement aux droits, tant nationaux
que particuliers, et que les auteurs de ces infractions
seront poursuivis par-devant la cour des pairs, ou tel
tribunal choisi par les Etats généraux.
Art.
14. La publication annuelle des Etats de recettes et de
dépenses à laquelle sera jointe la liste des pensions,
avec l'énonciation des motifs qui les auront fait accorder.
Art.
15. La reddition publique des comptes par pièces justificatives,
à chaque tenue des Etats généraux.
Art.
16. Que la loi de l'inaliénabilité des domaines du roi,
sera révoquée ou interprétée, que lesdits domaines puissent
être vendus aux derniers et plus offrants enchérisseurs,
ou aliénés, et que les effets royaux puissent être donnés
en payement des domaines sur le taux de leurs capitaux,
pour que les deniers puissent être employés à l'extinction
de la dette nationale. Si la nation néanmoins pensait
qu'il fût avantageux de conserver partie ou totalité des
bois, le député proposera que, dans ce cas, la régie des
objets conservés soit confiée aux administrations provinciales,
ou aux Etats particuliers, lesdits Etats, ou administrations,
tenus d'en rendre compte d'abord à leurs assemblées particulières,
et ensuite aux Etats généraux.
Art.
17. Que le poids et titre actuel des monnaies ne pourront
être changés que du consentement de la nation assemblée
aux Etats généraux.
Art.
18. Autoriser par une loi le prêt à jour fixe, portant
intérêt, conformément à l'usage des villes de commerce,
de plusieurs provinces et notamment de celles de Bresse
et Bugey, et suivant le décret des Etats de Bourgogne,
assemblés en 1777.
Art.
19. Qu'il ne sera apporté aucun obstacle à la publication
d'un ouvrage quelconque, auquel l'auteur, ou un imprimeur
français aura mis son nom, et qu'on ne procèdera contre
ce dernier qu'en employant la preuve des jurés, de manière
que la religion, l'honnêteté publique, et l'honneur des
citoyens, ne puissent être attaqués impunément.
Art.
20. Le refus à l'avenir de l'obtention et du renouvellement
de tout privilège exclusif, comme préjudiciable au
commerce et à l'industrie.
Art.
21. L'abolition de toutes commissions particulières, et
évocations au conseil, hors les cas que les ordonnances
détermineront.
Art.
22. Le reculement des douanes jusqu'aux frontières du
royaume.
Art.
23. Abolition perpétuelle et irrévocable de la corvée
des grandes routes.
Art.
24. Le député fera ensuite confirmer les chartes qui constatent
les droits et privilèges de la province.
Art.
25. Représenter qu'en outre des impositions que la Bourgogne
partage avec les autres provinces, elle est chargée de
trois canaux, dont probablement le produit n'égalera pas,
dans les premières années surtout, la somme nécessaire
au payement des arrérages des emprunts et des frais d'entretien.
Ces trois canaux étant d'une utilité générale pour tout
le royaume, ainsi que Sa Majesté elle-même l'a reconnu
dans différentes lettres patentes relatives audits canaux,
et même aux affaires de la province, il paraît de toute
justice que les avances, nécessitées par de si grandes
entreprises, entrent en considération pour déterminer
la proportion des impositions de la Bourgogne dans la
masse générale qui sera fixée pour chaque province du
royaume.
Art.
26. Demander la suppression du commissaire départi de
la province, ses fonctions attribuées aux Etats particuliers
de la province, pour l'administration et la partie contentieuse
aux tribunaux
Ce
n'est qu'après la promulgation de ces lois, que le député
pourra, si toutefois des circonstances impérieuses exigent
qu'on s'en occupe, avant la réforme d'autres abus, prendre
une connaissance approfondie de l'état des finances, du
montant exact et détaillé du déficit, avec les
pièces justificatives ; sanctionner la dette publique,
en modérant les dettes usuraires et supprimant les fictives
; examiner les acquisitions, les ventes et échanges que
l'on a fait faire au roi ; demander l'annihilation de
celles qui sont onéreuses à l'Etat ; demander la réforme
des abus de contrôle, fixer les dépenses de chaque département,
et, par des réductions rigoureuses, restreindre la dépense
au niveau de la recette. Mais si les besoins de l'Etat
rendaient indispensables de nouveaux impôts à établir,
et à percevoir par les Etats généraux, le député prendra
ad referendum tout ce qui pourrait être délibéré
sur cet objet et autres, protestant, conformément aux
privilèges de la Bourgogne, de ne pouvoir être imposée,
même après la résolution des Etats généraux, sans le consentement
des gens des trois états dudit pays.
Dans
tout ce qui ne serait pas contraire aux articles ci-dessus,
et aux privilèges de la province, la noblesse du bailliage
d'Auxois, en confiant à M. le marquis d'Argenteuil ses
plus chers intérêts, s'en remet à sa conscience, sa fermeté,
ses lumières, et son esprit de conciliation ; elle le
charge de n'être pas moins le fidèle interprète de son
respect et de son entier dévouement pour Sa Majesté, que
l'organe de ses volontés ; elle lui donne, sous les restrictions
précédentes, pouvoir de proposer, remontrer, aviser et
consentir aux Etats généraux, constitutionnellement assemblés,
délibérants et votants chacun dans leurs chambres, selon
les formes antiques et constitutionnelles, tout ce qui
peut concerner les besoins de l'Etat et de sa province,
et la réforme des abus.
Signé
D'Argenteuil. Le vicomte de Virieu, président. Sallier,
secrétaire. Le vicomte de Chastenay. Damas d'Antigny.
Constantin. Le chevalier de Bonnard. Le marquis de Bataille.
Le baron d'Aisy. Le vicomte de Bourbon-Busset, commissaires
; et Gueneau-d'Aumont, comme secrétaire.