Jean-François BAUDIAU
(suite)
Sous lancien régime, outre la seigneurie
du chef-lieu, qui appartenait aux ducs de Nevers, on y remarquait trois
autres grands fiefs, dont nous allons parler.
Conforgien, Confergeolum
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Situé
sur les hauteurs de louest, dans un endroit maigre et très froid,
à cinq cent soixante seize mètres au dessus du niveau de la mer, il
était autrefois le siège dune antique baronnie, mouvante du
duché de Bourgogne, ainsi que celle de Beaumont [paroisse dAlligny],
qui lui était unie. Elle avait quatre lieues de circuit, et
donnait droit dentrée aux Etats de la province.
Hameau de Conforgien
- Mai 2000
Par une exception,
favorable aux possesseurs, elle ne devait pas de lods et ventes,
ni de droit de mutation, daucune espèce. Ses revenus, denviron
huit mille six cents livres, se composaient du produit de cinq
cent hectares de forêts, dans lesquelles les habitants avaient
droit dusage et de pacage ; de quatre domaines, de
onze étangs, tant petits que grands ; dun moulin banal,
de diverses rentes, sélevant à six cent livres, et des dîmes
dAlligny, estimées quatre cents.""Le
seigneur avait la haute, moyenne et basse justice, et pouvait,
en vertu de concessions des anciens ducs de Bourgogne et des rois
de France, ériger un signe patibulaire à trois piliers ;
il jouissait du droit de pêche, de chasse, dindire, de retenue,
de mesure, de tierces, à raison de treize gerbes lune, de
banvin, de langue daumailles, damendes, de taverne,
pour lequel lui était dû une pinte de vin et un petit pain ;
de coutume dhonneur, consistant en deux boisseaux et demi
de grains [terrier de Conforgien].
Tous les sujets étaient
serfs et de serve condition, mainmortables, corvéables, taillables
à volonté, une fois par an, tenus au guet-et-garde autour du manoir
seigneurial, aux réparations des fossés et murailles, et devaient
une poule de coutume, par feu, à la Saint Martin dhiver.
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Le
château, bâti dans la vallée, au sud-ouest, près dun étang,
est une construction du quinzième siècle, consistant principalement
en une vaste tour carrée, à trois étages, avec machicoulis, et surmontée
dun toit pyramidal. Lancienne salle darmes, située
au premier étage, a quarante pieds de long sur vingt et un de large.
Le souvenir de la chapelle castrale sest conservé dans le nom
dune pièce de terre dite Derrière-la-Chapelle. Cette
antique maison-forte comptait autrefois plusieurs tours, parmi lesquelles
on distinguait celle du Guet et celle du Prêche, ainsi
nommée parce quelle servit, au seizième siècle, de temple aux
huguenots de Saulieu et des environs. Les ministres dArnay,
de Couches et de Châtillon-sur-Seine y faisaient alors de fréquentes
apparitions, dans lintérêt de la secte. Château
de Conforgien. Mai 2000 - La
tour carrée a changé d'allure, mais on y voit encore son machicoulis
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Les barons de Conforgien
Hugues de Conforgien, seigneur du lieu,
fit du bien au prieuré de Bar-le-Régulier. Ses cinq fils : Robert,
chevalier, son successeur ; Lambert, chanoine ; Henri, Arnoult et
Hugues, réunis à Autun, en 1202, ratifièrent les legs de leur père,
et reçurent des moines vingt-quatre livres dix sous dijonnais. [Ego
Hugo, decanus, ego Hugo, decanus et capitulum Sedelocenses notum
facimus presentibus et futuris quod Robertus de Conforgien, miles,
et fratres sui Lambertus, canonicus, Henricus, clericus, Arnulphus
et Hugo quittaverunt ecclesiae Sancti Johannis de Barro, in presentia
nostra, et in perpetuum concesserunt pacifice possidendam eleemosinam
eidem ecclesiae olim factam ab Hugone… et ab Hugone de Jonchery,
militibus, super quam priori et fratribus Sancti Johannis moverant
questionem. Pro hac quittatione habuerunt memorati fratres de Conforgien
viginti quatuor libras et decem solidos divionensis monetae. Hoc
igitur, de mendato ipsorum, ad majorem rei certitudinem, fecerunt
presentem cartulam sigillorum nostrorum impressione roborari. Actum
anno verbi incarnati M° CC° secundo (Dijon, fonds de Bar-le-Régulier)]
Le second fut abbé de Saint-Etienne.
Il légua, en 1259, à l’église Saint-Andoche de Saulieu, une rente
de quarante sous, et l’assit sur les tailles de sa seigneurie de
Conforgien, qu’il laissa, sans doute, à Renaud, qui en jouissait
en 1289. Pierre Esmard, écuyer, était baron de Conforgien, en 1366,
et noble Regnault de Daigne, au commencement du siècle suivant.
Les chanoines de Saulieu réduisirent, en sa faveur et en celle de
Marguerite des Forges, sa femme, la rente ci-dessus à une livre
cinq sous.
La
maison de Clugny
Conforgien entra, peu de temps après,
dans la maison de Clugny, qui la posséda plus de trois cent ans.
Jean, troisième fils de Guillaume 1er, citoyen d’Autun, fut créé,
le 8 août 1400, garde-scel et conseiller du Duc de Bourgogne, à
la chancellerie de cette ville. Il mourut, douze ans plus tard,
après avoir fait diverses fondations pieuses, et laissa de Guyotte
de Bèze, son épouse, cinq enfants [Jean, chanoine d’Autun ; Guillaume,
qui suit ;Geoffroy, Jean, mari de Philippée de La Boutière, chef
de la branche d’Avallon, et Alix, épouse de Claude de Cordesse,
seigneur de Merveille].
Guillaume de Clugny, baron de Conforgien, le puiné, fonda la chapelle
Saint-Joseph, en l’église Saint-Jean d’Autun, où il fut inhumé le
16 mai 1432. Il avait eu de Guillemette, fille de Jean Le Boiteux
de Vitteaux, deux fils : Henri, baron de Conforgien, licencié ès
lois, conseiller du duc et bailli de l’évêché d’Autun, et Geoffroy,
maître d’hôtel de Philippe de Hocberg, prince de Neufchâtel.
Henri, homme remarquable par son savoir
et sa prudence, épousa Pernette Coulot, dont il eut cinq enfants
[Jean, seigneur de Monthelon, maître des requêtes et ambassadeur
du duc de Bourgogne; Ferri, docteur en l'un et l'autre droit, official
et lieu tenant géné ral en la chancellerie d'Autun, évêque de Tournay,
ambassadeur à Rome, puis cardinal; Hugues, qui suit, et Eglantine
mariée, en 1462, à Louis de La Baume]. Hugues, l'un d'eux, baron
de Conforgien, seigneur de Joursanvault, bailli d'Autun, capitaine
du château de Rivault et lieutenant de Philippe de Savoie au gouvernement
de Bourgogne, se distingua par sa piété et ses vertus. Il mourut
en 1492, après avoir fondé la chapelle de Notre Dame de Pitié dans
la collégiale de Saulieu, où Louise de Sainte Croix, sa veuve, établit
deux chapelains, à la nomination des seigneurs de Conforgien, au
moyen d'une rente assise sur sa terre de Braux [Dijon, inventaire
des titres et fondations de la collégiale de Saulieu, folio 56].
Il laissa au moins deux fils : Louis, baron de Conforgien, de Beaumont,
seigneur de Màcon, de Beuret Boguet... et Claude, sieur d'Esfours
et du Brouillard. Le premier eut Louis XI pour parrain. Le roi fit
don, en cette circonstance, de six tasses et d'une aiguière d'argent,
du poids de douze marcs, à la dame de Conforgien. Ce gentilhomme
fut fait chevalier par Louis XII, la veille de la bataille d'Aignadel,
le 13 mai 1509. Il mourut sans postérité au château de Conforgien,
et fut inhumé dans le choeur de l'église paroissiale, où il fit,
pour une rente de trente livres, la fondation rapportée plus haut.
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Conforgien et ses autres
seigneuries passèrent alors à Claude, son frère, sieur du Brouillard,
d'Esfours de Souvert ..... Celui ci avait épousé, le 19 janvier
1480, Guigonne de Brazey, qui lui donna, entre autres, deux fils
: Jean, seigneur d'Esfours, de Souvert, de Santonay, de Joursanvault
et du Brouillard, et Guy, baron de Conforgien, de Beaumont... Ce
dernier épousa d'abord Gabrielle de Bauves, dont il eut Guillaume,
qui suit, et François, et, en secondes noces, Charlotte de Saint
Belin, d'où vint David de Clugny, seigneur d'Esfours. Il mourut
le 1er septembre 1571.
Conforgien,
place protestante (1572-1685)
L'année suivante, sa veuve se
remaria avec Arthur de Colombier, baron d'Alligny. Guillaume
de Clugny ( ) se distingua
sous le nom de baron de Conforgien. Il embrassa la réforme
et s'attacha à la fortune du Béarnais, dont il partagea la
gloire et les combats. En 1602, il défendit vaillamment la
ville de Genève contre les troupes de Charles Emmanuel de
Savoie, qu’il défit. Aussi les Genevois, reconnaissants, déposèrent
son armure dans leur arsenal, comme un monument perpétuel
de sa valeur.
Le moulin de
Conforgien - Mai 2000
Ce gentilhomme établit un prêche dans son château de Conforgien,
où se réunissaient les huguenots des environs, et lui légua, par
son testament, reçu Raudot, notaire, le 6 novembre 1620, une somme
de neuf cents livres. Il laissa de Charlotte de Saint Belin, nièce
de sa belle mère, une fille unique, Marie de Clugny, qui porta la
baronnie, en 1621, à Jean de Refuge, chevalier, baron de Coësme,
ardent religionnaire.
De cette union vinrent Francoise de
Refuge, mariée à Louis de Marconnay, seigneur de Chàteauneuf , Gédéon,
sieur de Vervain, et Suzanne-Marie , qui vendirent Conforgien ,
le 9 novembre 1664, à Louis de L'Isle du Gast, écuyer, seigneur
d'Ollone. Le prix fut de quarante mille livres, non compris les
neuf cents léguées par leur aïeul à l'église prétendue réformée
, qui se réveilloit à Conforgien . L'acquéreur reprit de fief, le
27 avril 1667, et sortit du royaume, avec Marthe de Jaucourt, sa
femme, par suite de la révocation de l'édit de Nantes, en 1685.
La baronnie passa plus tard à Louis
de Jaucourt, seigneur du Vault, héritier naturel de Marthe, et à
Philippe René de L'Isle du Gast, sieur du Gast, au pays de Maine.
Celui ci eut à lutter contre son cohéritier, qui voulut l'évincer,
mais sans pouvoir y parvenir. Il fit aveu le 5 juin 1714. Jacques
Anne, comte de Jaucourt, fils de Pierre et de Louise Josèphe de
Grève, et héritier de Pierre Armand, son frère, fit foi et hommage,
le 28 novembre 1769, pour Conforgien, Beaumont et Le Vault. Il vendit
ces terres, par acte reçu Girard, notaire à Paris, le 16 mai, trois
ans après, à Nicolas Marie Germain de Montmien, écuyer, secrétaire
du roi, et à Marie Sautereau, sa femme, pour cinq cent trente quatre
mille livres. Celui ci repassa
de même Conforgien et Beaumont, le 1er juin 1779, par acte reçu
Hotot, notaire, à César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, baron
de Thoisy et de Chassy, ministre sous Louis XV, pour deux cent soixante
mille livres. La baronnie vint ensuite à Renaud-César Louis, fils
de l'acquéreur, puis à Antoine César, dont la fille, Lucie Virginie,
épousa le prince Charles de Beauvau, qui la laissa à Etienne, son
fils.
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