LA
PREPARATION DES ETATS-GENERAUX EN NIVERNAIS ET BOURGOGNE
LES
CAHIERS DE DOLEANCES
En
annexe, le texte intégral de 6 cahiers de doléances
de l'environnement de St Martin de la Mer ::
- Paroisses
:
Moux et
Gouloux, voisines de St Martin
de la Mer
- Bailliages
- bailliage
d'Auxois : cahiers des
laboureurs (un texte exceptionnel),
de la
noblesse (dont un des signataires
est Jean-Baptiste-Lazare-Pierre ESPIARD de MACON, seigneur
de St Martin) et du
clergé. (Le bailliage
d'Auxois est composé des bailliages de Semur, Avallon, Arnay-le-Duc
et Saulieu)
- bailliage
d'Autun : cahier
du
clergé (un des signataires
est Charles-Maurice de TALLEYRAND)
L'annonce des Etats-Généraux,
qui vont se tenir le 6 mai 1789 à Versailles, déclenche
une grande effervescence à travers tout le royaume. Chaque
paroisse, diocèse, bailliage, duché doit simultanément,
selon un mécanisme bien défini par un mode d'emploi
détaillé :
- désigner
ses représentants des 3 ordres (noblesse, clergé
et tiers-état, ce dernier ayant obtenu du Roi que le
nombre de ses représentants soit doublé - ils
seront donc aussi nombreux que ceux de la noblesse et du clergé
réunis)
- rédiger des cahiers de
doléances, dans chaque paroisse, diocèse, bailliage,
duché.
Dans
le Duché du Nivernais, l'annonce de la convocation
des Etats Généraux raviva la vieille rivalité
qui existait entre le bailliage ducal de Nevers et le bailliage
royal de St Pierre le Moûtier (dont
fait partie Saint Martin de la Mer).
Il fallut l'intervention royale pour arbitrer ce conflit qui
fut l'ultime manifestation de la lutte d'influence entre le
roi et le duc de Nevers Mazarini. L'écho de cet incident
se retrouve dans le cahier de doléances de Moux, paroisse
voisine de Saint Martin.
Pour se
rendre compte de la complexité de la situation,
entre les deux bailliages.
Le choix des députés
Les
officiers du bailliage de Saint-Pierre prétendirent avoir
seuls le droit, à l'exclusion formelle des officiers
du bailliage de Nevers, de convoquer les membres des 3 ordres
pour la nomination de leurs députés, mais le règlement
royal du 24/01/1789 avait, comme en 1614 (les précédents
Etats-Généraux), partagé ce droit de convocation
entre les 2 bailliages ; les membres des 3 ordres réunis
à Nevers devaient nommer 8 députés et ceux
réunis à St Pierre devaient, vu la moindre étendue
du bailliage, en nommer quatre seulement.
Le
20/02/1789, "Jean-Joseph-Pierre Sallonyer, seigneur d'Avrilly,
Tamnay et autres lieux, ancien mousquetaire de la garde ordinaire
du Roy, bailli d'épée au bailliage royal du Nivernais"
rendit une ordonnance par laquelle il convoqua les membres des
3 ordres de toute la province (y compris le bailliage de Nevers),
pour le 16 mars suivant, à St Pierre. L'ordonnance fut
expédiée dans toutes les villes et villages de
la province, publiée et affichée devant la porte
des églises, hôtels de ville et maisons communes.
Pour
mieux braver la justice seigneuriale de Nevers, quatre huissiers,
escortés de cavaliers de la maréchaussée
et d'un tambour, parcoururent les rues de Nevers et apposèrent
les affiches contenant cette ordonnance sur les murs des officiers
du bailliage ducal et sur la porte de son auditoire.
Le
bailli de Nevers, qui avait également convoqué
les membres des 3 ordres à Nevers pour le 14/03/1789,
et le duc de Nevers écrivirent au garde des sceaux pour
faire annuler l'ordonnance du bailli de St Pierre. Le 02/03/1789,
le Conseil d'Etat annula l'ordonnance litigieuse.
Une
assemblée préliminaire se tient à St Pierre
le 09/03/1789. Vyau de Baudreville, lieutenant général
du bailliage tient un discours qui fut de suite dénoncé
à M. Necker comme "violent, indécent, incendiaire
et subversif de tous les privilèges et des droits des
2 premiers ordres". Chaque ordre tient ensuite réunion
séparément.
Ordre |
St
Pierre (22/03-16/04/1789) |
Nevers
(21-24/03/1789 |
Titulaires
|
Suppléants
|
Titulaires
|
Suppléants |
Noblesse
|
Le Comte
de Bar, chevalier |
Pierre-Gilbert Le Roy, baron d'Allarde,
chevalier |
1
Comte de Damas, d'Anlezy
2 Comte
de Sérent, de Vauclaix et Mhère
|
Charles-François
marquis de Bonnay |
Clergé
|
François
de Damas de Crux, doyen de la cathédrale de Nevers,
vicaire général |
Dom
Abel de Lespinasse, prieur du prieuré de St Pierre
|
1
Mgr Pierre de Séguiran, évêque
de Nevers
2 Philibert
Fougères, curé de St Laurent à
Nevers |
Benoît-Jean-Rémy
Combet de Pécat de la Renne, prieur-curé de
St Martin de Nevers |
Tiers-Etat
|
1 Vyau
de Baudreuille, lieutenant général
2 Charles Picart de la Pointe, lieutenant de vènerie
du Roi
|
1 Claude
François Rollot, juge du marquisat de la Tournelle
2 Jean Sautereau de Belleveau, avocat en Parlement
|
1 Etienne Gounot
2 Louis-Nicolas Parent de Chassy
3 Charles Marandat d'Oliveau
4 Guillaume-Amable Robert de Chevannes
(tous
avocats) |
1
Yvau de la Garde, conseiller-assesseur au bailliage
2 Hugues-Cyr Chambrun, délégué de Donzy |
En
gras les députés retenus pour l'ensemble du
Duché du Nivernais (St Pierre + Nevers) |
Opiner
par tête ou par ordre ? C'est
le grand débat de la phase préparatoire
des Etats Généraux de 1789
Les
Etats Généraux donnent lieu à de
nombreux votes (opiner = donner son opinion = voter).
Comment compter les suffrages ?
L'usage,
au cours des précédents Etats, était
de décompter les votes par ordre (noblesse, clergé,
tiers), sachant que chaque ordre disposait du même
nombre de députés.
Début
1789, Louis XVI a, sous des pressions diverses, accepté
de doubler le nombre de députés du Tiers,
qui se trouve donc avoir autant de députés
que la noblesse et le clergé réunis.
Dès
lors une question cruciale se pose : va-t-on,
comme
par le passé, décompter les voix par
ordre ?
Cela
risque de créer une situation explosive dans
le peuple qui ne comprendrait pas pourquoi le roi
a accepté de doubler le nombre de ses députés,
pour finalement lui retirer le bénéfice
de la mesure.
ou
décompter les voix par tête, les 3 ordres
additionnés ?
Cette
2ème solution, réclamée par le
Tiers, est violemment combattue par la noblesse et
le clergé, car chacun sait qu'il y a dans le
clergé des députés favorables
au idées du Tiers, et que la majorité
absolue sera du côté des idées
du Tiers.
C'est
toute l'histoire de la première partie de la
Révolution qui est en germe derrière cette
question ...
|
Quelles
sont les doléances des membres des 3 ordres ?
Tiers-Etat
- aux Etats-Généraux,
vote par tête et non par ordre
- tenue
des Etats-Généraux tous les 5 ans
- liberté
individuelle des citoyens
- égalité
devant l'impôt
- suppression
des contributions actuelles et leur remplacement par un impôt
unique équitablement réparti entre tous les
citoyens
- liberté
de la presse
- institution
d'Etats provinciaux
- recul
des douanes jusqu'aux frontières du royaume
- abolition
de la mainmorte et de toutes les servitudes personnelles des
paysans
- suppression
des droits de péage, de pontonnage, et de foire
- suppression
ou rachat des dîmes sur les bestiaux
pour les
ministres des cultes,
- remplacement
du casuel par un traitement
- octroi
aux clercs d'un seul bénéfice, réservé
à ceux qui sont vraiment engagés dans les ordres
- suppression
des abbayes et prieurés en "commende"
pour l'industrie
et le commerce,
- liberté
du commerce
- suppression
des maîtrises et jurandes,
- secret
de la correspondance
- unité
des poids et des mesures
pour la
justice,
- suppression
des "coutumes" et leur remplacement par un nouveau code
- plus
de célérité et moins de frais dans les
procédures
- diminution
du nombre des magistrats, avocats, notaires et huissiers qui
doivent avoir fait au moins quatre années d'études
de droit
- suppression
des tribunaux d'exception et unification des peines sans discrimination
entre nobles et roturiers
- établissement
de prisons salubres où les criminels sont isolés
des autres délinquants
- possibilité
pour le Tiers-Etat d'accéder à toutes les charges
de la magistrature
- suppression
de la peine de mort, sauf en cas d'assassinat, d'incendie
ou de viol
pour l'armée
- amélioration
du sort des soldats
- répartition
du logement des troupes entre tous les citoyens
- admission
du Tiers-Etat à tous les grades militaires
pour les
communes, élection d'une municipalité par la commune
entière,
au gouvernement,
- responsabilité
totale des ministres
- publication
annuelle de la situation financière exacte de la France,
- fixation
annuelle par les Etats-Généraux de toutes les
dépenses, y compris celles du roi et de la Cour
- recensement
des domaines personnels du roi et leur assujettissement à
l'impôt
- relégation
du tabac, comme médicament, chez les seuls apothicaires
Clergé
- répartition
plus juste des impôts
- création
d'écoles
- création
de bureaux de charité pour lutter contre la misère
- relèvement
des mœurs
- lutte
contre l'ignorance des sages-femmes et des chirurgiens
- lutte
contre l'avidité des fermiers généraux
- cession
aux pauvres de l'exploitation des terrains en friche (communaux)
- réorganisation
du code et des tribunaux en réduisant le nombre des
préposés à la procédure (juges,
procureurs, huissiers)
- amélioration
du sort des curés ayant des ressources annuelles inférieures
à sept cents livres.
Noblesse
- aux Etats-Généraux
vote par ordre et non par tête
- droit
des citoyens à la liberté individuelle
- droit
de propriété avec le maintien des honneurs qui
lui sont attachés, mais sans aucun privilège
fiscal
- égards
spéciaux pour les nobles cultivant eux-mêmes
leurs terres
- protection
des paysans "pour lesquels ils veulent rester des pères..."
- abolition
des lettres de cachet, des prisons d'état et des tribunaux
de "commissions"
- proclamation
de la liberté des citoyens et de la liberté
de la presse... sauf à préciser par les Etats-Généraux
- création
d'états provinciaux
- réduction
du nombre des charges et des emplois inutiles
- réforme
du code
- suppression
des anoblissements par charge ou argent, le roi seul ayant
le pouvoir d'anoblir
- détermination
des droits des communautés, sans toucher au droit authentique
de propriété
- suppression
des peines corporelles dans l'armée
- encouragement
aux grandes entreprises : forges et canal du Nivernais (commencé
en 1784)
Les cahiers de doléances
des paroisses de Moux et Gouloux, voisines
de Saint Martin de la Mer
sont une
source très intéressantes d'informations qui éclairent
sur la situation politique, économique et sociale locale
en cette veille de Révolution.
Celui de St Martin de la
Mer n'a pas encore été retrouvé.
Le cahier de
doléances des laboureur du bailliage d'Auxois est,
lorsque son côté "misérabiliste"
a été décanté, révélateur
de la situation des petits agriculteurs de cette région.
Le
cahier de doléances de la noblesse du bailliage d'Auxois
est un bon exemple des
revendications de la noblesse rurale, surtout composée
de militaires
Leur contenu révèle
les causes de cet embrasement qui va bientôt jeter bas
les fondements de l'Ancien Régime.
Ces
cahiers ont été rédigés en mars
1789, quelques semaines avant la réunion des Etats généraux,
convoqués par Louis XVI pour le 4 mai.
Les cahiers analysés ici
sont ceux des paroisses de Moux et de Gouloux (actuellement
dans la Nièvre), voisines de Saint Martin.
Voir le texte intégral
des cahiers de doléances de l'environnement de St Martin
de la Mer
de la paroisse de
de la paroisse de
des
(un chef-d'oeuvre)
de
du
du
Doléances |
Paroisse |
Droits
seigneuriaux (
voir page Droits seigneuriaux
à St Martin) |
la suppression
des privilèges, les mêmes droits et mêmes
devoirs pour tous, |
Gouloux |
la suppression
du droit de mainmorte |
Moux |
l'égalité
des 3 ordres devant l'impôt |
Gouloux |
Impôts |
la réduction
ou la suppression des impôts (redevance bordelière,
gabelle, taille, capitation,impôt sur les routes, droits
d'aide) |
Gouloux
- Moux |
la suppression
des amendes liées à la divagation des bestiaux,
au délit de pêche |
Gouloux |
le droit
pour les paroisses de décider du mode de répartition
des impôts, l'incompétence et la dureté
des collecteurs. |
Gouloux
- Moux |
la suppression
des banalités |
Gouloux |
le mode
de vente du tabac, son prix, sa qualité |
Moux |
Terres
- Agriculture |
les abus
lors de la rénovation du terrier du duc de Nevers |
Moux |
des mesures
particulières pour les bois détruits par le
givre pendant l'hiver 88-89 |
Gouloux |
le droit
de libre pacage et d'affouage dans les bois seigneuriaux |
Gouloux |
le dépôt
dans les municipalités d'une copie des terriers seigneuriaux |
Gouloux |
Divers |
l'unification
du système des poids et mesures (
voir et extraits de cahiers de doléances
sur ce thème) |
Gouloux |
une meilleure
organisation de la justice seigneuriale (plus proche, plus
juste) |
Gouloux |
|