Climat, famines et épidémies en Bourgogne au XVIIIème siècle
Le XVIIIème siècle est marqué par
des famines à répétition, dues principalement à une série d'hivers
rigoureux et à des épizooties catastrophiques.
Mgr
d'Apchon, évêque de Dijon, apaisant une révolte
causée par la famine, à Dijon, en 1774
1708-1709
: hiver très rude
"à
Chancounois [Champcomeau],
hameau d'Aligny [en
Morvan]:
la veuve Jean COLLENOT avait abandonné la localité. Les autres
voulaient abandonner leurs biens plutôt que de payer la tôte.
Ils mouraient de faim ; pas une once de pain dans le village.
Depuis un mois ils ne vivaient que de raveniaux sauvages".
Jean-François
BAUDIAU, dans son livre "Le Morvand" (1867), relate
ainsi l'hiver 1709 : "Le dix-huitième
siècle, qui s'ouvre devant nous, commença par des fléaux pour
finir par une horrible catastrophe [ndla : la Révolution].
A peine, en effet, était-on arrivé à
la neuvième année de cette période séculaire, qu'une cruelle disette
réduisit les habitants du Morvand à la dernière extrémité.
L'hiver,
qui commença le 6 de janvier, fut extrêmement rigoureux. Pendant
les trois premières semaines, le froid fut si excessif, les gelées
devinrent si fortes, que dès le second jour , les rivières , aussi
bien que les étangs , furent couvertes de glace d'une telle épaisseur,
qu'elle portait comme la terre., Plusieurs manuscrits s'accordent
à dire qu'en Morvand, la plupart des ruisseaux et des étangs gelèrent
jusqu'à fond en moins de quatre heures , et que l'on vit, lorsque
le dégel fut arrivé , des morceaux de glace de trois pieds d'épaisseur.
A peine put-on, malgré les plus grands soins, conserver quelques
pièces de vin dans les meilleures caves. Les arbres se fendirent
et gelèrent jusque dans leurs racines ; les noyers , les vignes
(les vignes gelèrent encore le 17 mai), les genêts et les arbrisseaux
furent presque tous perdus ; le gibier périt dans les champs.
Des voyageurs furent trouvés morts sur les chemins. Les seigles
et les froments fuirent presque totalement détruits dans tous
les pays du voisinage, tellement qu'il fallut ensemencer les terres
avec du vieux blé, quand on put en trouver. La plupart des cultivateurs
laissèrent leurs terres en friche , parce qu'on ne pouvait avoir
de semence , ni pour argent, ni pour or.
Le
Haut-Morvand, couvert d'une couche de neige très-épaisse , fut
un peu moins maltraité. Les écrivains du temps rapportent que
la paroisse de Saint -Brisson fut assez heureuse pour conserver
plus de la moitié de sa récolte (Annuaire de l'Yonne, 1851, p.
308; manuscrits de Noël Berthaud, curé de Rouvray ; notes de Caziot,
curé do Saint-Honoré, et de Guillot, curé de Maux.).
La
famine, qui suivit ce désastre, fut terrible. Le seigle, qui, l'année
précédente, ne coûtait que dix-huit ou vingt sous, monta subitement
à sept livres, mesure de Rouvray, et douze livres celle de Moulins-Engilbert.
Les riches furent réduits à manger du pain d'avoine et les pauvres
à brouter, au printemps, l'herbe des prés comme les bêtes. La mort
moissonna des familles entières. On vit des paroisses perdre les
trois quarts de leurs habitants. A Commagny, il y eut 191 décès
sur 32 naissances; à Moulins-Engilbert 151 sur 30; à Préporché 96
sur 29. Beaucoup de familles, chargées d'enfants , les firent conduire
à l'hôpital. Il en périt quatre mille à celui de Saint-Didier de
Nevers (Registres des communes de Maux, de Préporché).
Le
vin, qui se payait, année commune, deux liards la pinte, se vendit
jusqu'à douze sous, ce qui portait le litre à quarante huit, somme
exorbitante , si on se rappelle la valeur de la monnaie à cette
époque (Archiv. de Montsauche). La détresse et la misère engendrent
naturellement le vol et le désordre. Aussi vit-on, çà et là, des
troupes de pauvres affamés courir les campagnes et se livrer à toute
espèce de rapines, dévorant les animaux domestiques et broutant
les blés, tellement qu'il fallut solliciter des ordonnances afin
d'établir des messiers ou gardes pour veiller sur les champs ensemencés.
Le brigandage devint même si excessif, que l'on planta des poteaux,
avec carcans, où l'on attachait les voleurs pris en flagrant délit.
Dans plusieurs localités, comme à Rouvray, on organisa, a l'époque
de la moisson, des patrouilles pour veiller sur les récoltes pendant
la nuit (Manuscrit de l'abbé Berthaud). "
J-F
Baudiau n'est pas le seul à relater les malheurs de l'année
1709. Ainsi le vicaire de Toutry, près d'Avallon, a noté
dans ses registres :
"L'année
1709 a été l'une des fâcheuses que l'on ait
jamais eue ; on ne se souvient ny on a rien lu dans les plus anciens
auteurs de semblable chose, être une année de famine.
On n'a pas ramassé de grain de blé, ny fait une
goutte de vin et tous les arbres sont morts d'une gelée qui
se prit, précédée d'une grande pluie ; les
jours, les nuits de janvier, elle fut si violente qu'elle brûla
au fond, tout ce qui était sur la terre. Elle se reprit en
cinq fois, le 14, le 22 janvier et le 5 février ; elle enleva
tout ce qu'on pouvait encore espérer qu'on croyait être
sauvé des précédentes.
Le blé a valu à la mesure, des prix jusqu'à
cent cinq et cent dix, l'orge trois francs et demie, l'avoine 50
sols. Pour surcroît de malheur pour les pauvres, les preys
étaient gelés, comme le reste à la St Jean
; les pauvres n'y trouvaient presque rien. Le vin a valu cinquante
écus la qüeüe le plus petit, deux cents livres
le médiocre, le bon n'ayant pas de prix.
N'est que trop vray, ainsy que je l'assure.
D
Bergès prêtre vicaire de Toutry."
Cité
par Jos Pierre Outters sur le forum genealogie21@yahoogroupes.fr
1736 : famine dans
le Morvan
1745 : une épizootie tue près de 98% du bétail de l'Auxois
1766 : hiver très rigoureux
1770 : hiver très rigoureux
1773 : la peste à Saulieu
1774 : famine et émeutes à Dijon.
L'évêque, Mgr d'Apchon intervient pour calmer ses ouailles affamées.
Image ci-dessus
1778 : hiver très rigoureux
1786 : famine et épizootie
-
voir texte ci-dessous
1788 : hiver très rigoureux
:
A Baulme-la-Roche
(Côte d'Or)" L'hyver de mil sept
cent quatre vingt huit est remarquable par la sécheresse et les
froids excessifs qui ont régné pendant longtemps et ont causé le
plus grand embarras pour la moulure des grains. D'abord l'été avait
été fort sec, il n'a plu que pendant quelques jours dans le mois
de septembre, encore ces pluies ont été peu considérables et depuis
environ le vingt septembre jusqu'au treize janvier il n'est point
tombé de pluie. Le froid commenca le vingt cinq novembre, le quatre
décembre la neige commenca à tomber et comme elle fondait et gelait
en tombant, elle produisit un verglas qui rendit les chemins presque
impraticables pendant plus de dix ou douze jours ; la neige vint
ensuite en abondance ; le froid le plus rigoureux se fit sentir
. les vents du nord, nord est et nord ouest rugirent constament
pendant près de six semaines et furent quelquefois très violents
; plusieurs sources tarirent ; les rivieres furent gelées ; on eut
recours aux moulins à vent ; on fit construire des moulins à bras
où l'on se servait de ceux qui existaient ; on fit même moudre du
blé dans les moulins à tabac...Ce fléau cessa le treize janvier
où les vents du midi succédèrent au cruel vent du nord, procurèrent
de la pluie et un dégel modéré que les habitants des villes et des
campagnes reçurent comme un bienfait du ciel.... Ces événements
ont été trop remarquables pour n'en pas consigner la mémoire et
la transmettre à la postérité...
Landel,
curé de Beaume la Roche et Panges."
Source:
ADCO CC.54/6. Texte selon Fernande Tribolet, dans RFG n°125 décembre
1999 p.31
"Au
mois de décembre 1788, il survint un givre si extraordinaire, que
les arbres, en grand nombre, furent brisés dans les forêts. On entendait,
de toutes parts, d'horribles craquements. Les chemins étaient encombrés
de débris. La gelée arrêta le cours des rivières. Les moulins ne
pouvant plus tourner, on fut obligé d'en établir à bras pour se
procurer du pain. Les étangs de Lormes gelèrent jusqu'à fond. Le
peuple a toujours désigné cette époque sous le nom d'année du grand
verglas."
Source
: J-F Baudiau (opus cité)
Lormes
-Décembre 2001 - L'étang du Goulot dans les glaces
- Photo Bernard Lecomte
Sur
le registre des décès, à la fin de l'année 17.., le curé de St Léger
de Fourches (actuellement commune de Champeau-en-Morvan, Côte
d'Or) écrit qu'il y a eu cette année-là des gelées exceptionnellement
fortes, précoces et tardives, suivies de fortes inondations, et
qu'il a fait un nombre inhabituel de sépultures.
Le climat aura eu sa
part, à côté des abus de la monarchie, dans l'origine des jours
difficiles qui se préparent.
La
grande misère des années 1785 et 1786
par
Pierre de Saint Jacob - Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier
siècle de l’ancien régime
L'année
1785 marque une des misères les plus généralisées de tout le siècle
depuis le grand hiver.
Le
printemps se fait attendre; les froids et la neige durent jusqu'au
début d'avril. «Furieux hiver » [Journal de Paquelin : « En ce temp
là les archés poussée les pauvres de tout cottée et les mennées
ans prison » (1784).] qui fait des milliers de pauvres gens.
La
très forte sécheresse de mai-juin enlève l'espoir d'une bonne récolte
de foin. Le regain manque. Jamais le problème de la nourriture du
bétail n'a été aussi redoutable. Le peu de foin récolté se vend
à des prix extraordinaires : en Auxois, il atteint 80 et 96 livres
le millier [Soit près de 2 sous la livre, plus cher que le blé en
temps ordinaire; le chiffre est fourni par l'abbé Sirugue de Vitteaux].
Les malheureux s'ingénient à sauver leurs bêtes.
Dans
la région de Vitteaux, on découvre les maisons à toits de paille
[Paquelin confirme aussi le fait dans son journal - « L'hivers affamé
de quatre vingt cinq est encore trois fois plus mauvais que celuy
cy devant, c'est la famine du bois et du fourages ; grande misère
pour le monde et pour les bestiaux... » « Les payé couvers à paille
sont étté obligez de les descouvrir pour doné à mangé a leur bestiaux
» (1785)] et en maints villages, on défait les paillasses pour en
tirer le précieux fourrage [Ainsi à Champagny, Fleury, Leffond,
Quemigny-sur-Seine (G 15). L'abbé Collon rapporte qu'à Saulieu,
ces paillasses se vendent à la livre (ibid., p. 6)]. On cueille
le lierre, le gui [A Éringes, Flavigny, Jailly (C 15)], les feuilles
des saules et des frênes [A Bussy-le-Grand, à Flavigny, à Bouilland
(ibid.)].
A
Pierre-en-Bresse, «les ressources des pauvres gens ont été de
ramasser des feuilles et herbes gelées qu'ils ont coupé pour les
faire sécher et donner ensuite à leur bétail ». A Marsannay, on
cueille des feuilles de vigne pour les moutons, et à Aigny, «
le bois des trufes ou pommes de terre » devient un fourrage essentiel.
On
fait des réserves pour l'hiver qu'on devine terrible : les gens
de Glux dans l'Autunois serrent les branches de frêne et de hêtre
pour leurs moutons. Selon Picardet, en ces temps d'épizootie,
le problème de la litière est plus grave encore que celui de la
nourriture. Les uns ratellent les éteulles, les autres cueillent
des « joncs et glayeuls » dans les rivières. Malgré tous ces moyens
de fortune, la plupart des paysans doivent se débarrasser à vil
prix de leur bétail menacé de périr. La viande vaut 2 sous la
livre à Saulieu. Le curé de Cordesse note « qu'il y a des boucheries
dans grande quantité de villages à 4 sols la livre de viande »
(G 15). La viande baisse moins à Dijon : « vu le bon marché occasionné
dans l'achat des viandes de boucherie par le grand débit qui s'en
est fait dans les campagnes il est étonnant que le prix des viandes
ait été porté si haut pour les particuliers » (lettre de Picardet,
1786, C 14).
Le
désastre est universel. A Villenotte-les-Semur, on vit «dans l'espérance
et attente de quelques bonnes années où les temps ne seront pas
sy durs».
La
misère est terrible dans l'Auxerrois. A Cravant, elle est « inconcevable»
; à Lucy-sur-Cure, il a fallu vendre « les meubles et le linge
» pour pouvoir manger. Les habitants disent qu'ils ont été obligés
«pour pouvoir subsister de prendre pour toute nourriture de l'herbe
cuite à l'eau sans sel; cette ressource leur ayant manqué l'année
dernière, la plupart d'entre eux avoient été forcés d'y substituer
des chardons, qu'il étoit résulté de tant de maux et de misères
une maladie épidémique ». Le curé confirme les déclarations des
habitants (ibid.).
La
détresse dura pendant tout l'été particulièrement sec. « C'étoit
une désolation. Les prairies toutes brûlées refusoient aux bestiaux
leur nourriture ordinaire. Les foins anciens étant tous consommés,
le bétail tomboit de langueur».
L'épizootie
qui s'étend achève l’œuvre de la disette; le « préminiot » emporte
les bêtes. Chaque village fait un triste compte de trois années
de malheur. Il fait périr 20 bêtes à cornes à Monceau, 40 à Lantilly
(C 15). - De 1782 à 1785, un marchand de Précy-sous-Thil a perdu
plus de 6.000 livres par la mortalité du bétail : 31 bœufs, vaches
et taureaux, 9 chevaux (B 2 208). - Perte de 50 bêtes à Saussey
(C 23). A Villiers-les-Hauts, le cultivateur est réduit à « faire
société pour former une charrue et à faire labourer par des ânes».
A Aubigny, il n'y a plus que des vaches. A Châtellenot, les bœufs
remplacent progressivement les chevaux. Lamarche a perdu en 1784,
32 boeufs et 37 vaches.
Le
curé de Montlay-en-Morvan compte que de 1759 à 1785, le gros bétail
a diminué des deux tiers et la moutenaille de moitié. A Athée,
il est mort « quantité de bestiaux» par défaut de nourriture;
à Lantilly, 40 bêtes à cornes". Chaque village garde jalousement
ses fourrages. A Labergement-le-Due, on nomme quatre messiers
pour les regains, avec un salaire de 10 livres chacun. A Gilly,
on délibère pour défendre finalement à tous la clôture des prés.
Dans les villages pauvres en herbe, la réserve de l'hiver n'étant
pas assurée, on vend de nouveau le bétail à l'automne. A Bèze,
« Il y eut beaucoup de mères vaches et boeufs ou taureaux que
l'on fut obligé de tuer et manger pendant l'hiver, les pauvres
gens n'ayant pas de quoi les nourrir , (cité Ann. dép., 1865,
p. 401).
La
rigueur du printemps a détruit les carémages ; l'avoine est plus
chère que le blé. A Vitteaux l'avoine vaut 32 à 34 sols et le
froment 26 à 28 sols la mesure. Heureusement la moisson, faible
en paille, est riche en grains de bonne qualité; la vendange est
très belle. Ces deux circonstances heureuses pour l'ensemble des
consommateurs font oublier les malheurs du printemps, mais sont
pourtant loin de compenser la perte des bestiaux, dont on mettra
plus de dix ans à réparer les méfaits. D'ailleurs, les magnifiques
récoltes de l'année se vendent mal : ainsi s'en va, à la faveur
de la crise générale des affaires, la dernière chance de réparer
le désastre des fourrages.
La
disparition des bestiaux va créer deux redoutables problèmes:
les attelages de labour et surtout l'engrais. De 1785 à 1789,
le rendement des terres va être réduit, et souvent on verra la
friche reprendre ses droits. Clomot connaît la misère par manque
d'engrais. A Cordesse, « on ne pourra semer, faute d'engrais ».
A Leffond, il n'y a «aucune ressource à un si grand mal ». Partout,
on s'ingéniera à trouver de quoi fumer les terres : Les boues
des chemins, les mousses du arbres (ibid.). A Pierre-en-Bresse,
on achète des engrais dans les paroisses voisines " qui sont de
fin où il ne faut pas beaucoup d'engrais » (ibid.) Pas de fourrages,
trop de grains. La prospérité s'acharne sur les champs.
Au
printemps de 1785, la récolte est si belle que la déception est
générale. Le subdélégué de Semur note en avril que « le froment
dont le pays est chargé ne se débite point en dehors; ainsi, le
prix ne peut que diminuer ». En mai, en juin, toujours point de
commerce, « la perspective d'une récolte abondante fait toujours
baisser le prix du froment ».
D'Auxonne
monte la même plainte : « le prix des grains est toujours très
bas et beaucoup trop pour l'aisance des cultivateurs ». Partout
la même mévente; on ne demande pas les blés. « Cette branche de
commerce est complètement anéantie », écrit le curé de Saint-Léger
8. L'intendant note en 1785 que la province pourrait trouver une
ressource dans ses vins «mais ils sont à très bas prix et le commerce
sur cette partie est pour ainsi dire nul depuis quelques années».
En
janvier 1786, les Élus signalent «la cessation presque totale
du commerce »; la beauté des récoltes a produit «une détresse
aussi fâcheuse que celle qui résulteroit de la disette ». Dans
l'été de 1786, l'agent du comte de Tavanes s'évertue à bien amodier
les dîmes de Bessey; il n'y parvient pas «à cause du bas prix
où sont tombés les grains ».
Le
Midi s'approvisionne maintenant auprès de la Compagnie d'Afrique
et non plus en Bourgogne. Les cours continuent de tomber. C'est
un état de « stagnation universelle ».
Dans
le vignoble, l'abondance est devenue aussi un redoutable fléau.
Dans
cette situation alarmante, la vendange de 1785, étonnamment belle,
« jette son poids fabuleux». Paquelin note dans son journal que
« pour le vin a étté en si grande abondances que les hommes qui
sont étté sur tairre n'ont jamais vue; encore plus forte que 72
» (1785). En Basse-Bourgogne, l'abondance est de même un fléau
(C 5092). Quand on peut vendre, c'est à un prix très médiocre.
Dans leur raccourci significatif, les comptes apportent un beau
témoignage de la mévente. En 1785, l'un des vignerons des Ursulines
de Beaune a récolté 13 pièces; l'année suivante, « il n'y a rien
de vendu ». La récolte de 1786 est presque aussi abondante : 11
pièces. On note encore à la fin de l'année - «rien de vendu; ainsi
il a ses récoltes de 1785 et 1786».
Les
Élus confirment le marasme dans leurs observations.
En
1786, ils affirment que la centième partie du vin de la dernière
récolte n'est pas vendue, que les propriétaires et vignerons,
épuisés par les avances et les frais indispensables de cette récolte
excessivement abondante «manquent du nécessaire le plus absolu».
Le
pied de taille de Nuits fait, en 1786, un tableau très sombre
de la situation du vignoble. Les avances du propriétaire ne se
peuvent recouvrer «qu'en prenant les vins provenant de la moitié
des fruits échus aux vignerons au prix des taux qui s'arrêtent
annuellement à l’Hôtel de Ville ». Et « les propriétaires ne vendent
guère avant deux ou trois ans et ne sont payés qu’un an après
la vente ». Mais la cession du vin au propriétaire n’est pas une
bonne affaire pour le vigneron : le taux de rachat est souvent
fixé plus bas que le taux normal du marché.
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