ENCYCLOPEDIE DE DIDEROT ET D'ALEMBERT - 1751
DICTIONNAIRE DES TERMES UTILISES DANS LES DOCUMENTS ORIGINAUX SUR LE BOIS DES ISSARDS
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On appelle fondateur
celui qui a fait la fondation, soit qu'il ait donné le fond ou terrein pour
y construire une église ou autre édifice, soit qu'il y ait fait construire
l'édifice de l'église, monastere, hôpital ou collége, ou que l'édifice ayant
déja été construit, & depuis tombé en ruine, il l'ait fait relever ; ou
bien qu'il ait doté l'église ou maison de deniers & revenus destinés à l'entretenement
d'icelle : chacune de ces différentes manieres de fonder une église acquiert
au fondateur le droit de patronage. Il faut néanmoins l'avoir réservé spécialement
par la fondation ; autrement le fondateur n'a simplement que la préséance,
l'encens, la recommandation aux prieres nominales, & autres droits honorifiques
; mais non pas la collation, présentation ou nomination des bénéfices :
pour ce qui est des droits honorifiques, le fondateur en joüit dans les
églises conventuelles comme dans les paroissiales.
Un fondateur peut être contraint de redoter l'église par lui fondée, lorsqu'elle
devient pauvre, à moins qu'il ne renonce à son droit de patronage. S'il
étoit prouvé par le titre de la fondation que le fondateur eût renoncé au
droit de patronage, la possession même immémoriale de présenter aux bénéfices,
ne lui acquerroit pas ce droit. Les héritiers ou successeurs des fondateurs
étant tombés dans l'indigence, sans que ce soit par leur mauvaise conduite,
doivent être nourris aux dépens de la fondation. L'évêque ne peut pas autoriser
une fondation ecclésiastique, à moins que l'église ne soit dotée suffisamment
par le fondateur, tant pour l'entretien des bâtimens, que pour la subsistance
des clercs qui doivent desservir cette église ; c'est ce qu'enseignent plusieurs
conciles & autres réglemens rapportés par Ducange, en son glossaire, au
mot dot.
La surintendance des
fondations ecclésiastiques appartient à l'évêque diocésain, ensorte qu'il
a droit d'examiner si elles sont exécutées suivant l'intention des fondateurs
; il peut aussi en changer l'usage, les unir & transférer lorsqu'il y a
utilité ou nécessité. Le concile de Trente ne permet à l'évêque de réduire
les fondations que dans les synodes de son diocèse, mais il y a des arrêts
qui ont autorisé ces réductions, quoique faites par l'évêque seul ; quand
il n'y a point d'opposition, c'est un acte qui dépend de la jurisdiction
volontaire ; s'il y a des opposans, on fait juger leurs moyens à l'officialité
avant que l'évêque fasse son decret. Mais ils ne peuvent changer les fondations
séculieres faites pour l'instruction de la jeunesse, & les rendre ecclésiastiques.
On ne peut pas non plus appliquer une fondation faite pour une ville à une
autre ville. Le grand vicaire de l'évêque ne peut pas homologuer une fondation
sans un pouvoir spécial. Philon, juif, enseignoit que le gain fait par une
courtisanne ne pouvoit être reçû pour la fondation d'un lieu saint ; on
n'a cependant pas toûjours eu la même délicatesse ; & M. de Salve, part.
II. tract. quaest. 5. n. soûtient au contraire que la fondation d'une église
est valable, quoiqu'elle ait été faite par une femme publique, des deniers
provenans de sa débauche. Une église ne peut prétendre avoir acquis une
possession contraire à sa fondation. Elle n'est point non plus présumée
avoir les biens qu'elle possede, sans qu'il y ait eu quelque charge portée
par la fondation ; c'est pourquoi Henri II. en 1556, voulant amplifier le
service divin & procurer l'accomplissement des fondations, c'est-à-dire
des messes ; services, & prieres fondées dans les églises, ordonna que tous
héritages & biens, immeubles tenus sans charge de service divin ou d'office
égal, ou revenu d'iceux, par les églises, prélats, & bénéficiers, à quelque
titre que ce fût, seroient censés vacans & réunis à son domaine. Les biens
d'église ne peuvent être aliénés même par decret, si ce n'est à la charge
de la fondation, quand même on ne se seroit pas opposé au decret. Pour accepter
une fondation faite dans une église paroissiale, il faut le concours du
curé & des marguilliers.
Dans les fondations faites par testament ou codicille, c'est aux héritiers à payer les droits d'amortissement & d'indemnité, parce que l'on présume que l'intention du défunt a été de faire joüir l'église pleinement de l'effet de ses libéralités, au lieu que dans les fondations faites par actes entre-vifs, les héritiers ne sont pas obligés de payer ces droits, parce que ces sortes de donations ne reçoivent point d'extension ; & l'on présume que si le fondateur avoit voulu payer les droits d'amortissement & d'indemnité, il l'auroit fait lui-même, ou l'auroit dit dans l'acte. Le docteur Rochus dit que les fondations doivent être accomplies au moins dans l'année du décès du fondateur ; que si ce qu'il a donné n'est pas suffisant pour accomplir les charges de la fondation, les héritiers ne sont pas tenus de fournir le surplus, mais la fondation est convertie en quelqu'autre oeuvre pie, du consentement de l'évêque.
Lorsque les fondations sont exorbitantes, & qu'il y a contestation sur l'exécution du testament où elles sont portées, le juge peut les réduire ad legitimum modum, eu égard aux biens du défunt, à la qualité & à la fortune du défunt, & autres circonstances.
Les arrérages des fondations pour obits, services, & prieres, se peuvent demander depuis 29 années, en affirmant par les ecclésiastiques qu'ils ont acquité les charges, & qu'ils n'ont pas été payés. Pour ce qui est du fond, si c'est une somme à une fois payer, qui est donnée à l'église, elle est sujette à prescription ; mais les fondations qui consistent en prestations annuelles, sont imprescriptibles quant au fond ; la prescription ne peut avoir lieu que pour les arrérages antérieurs aux 29 dernieres années. (A)
Quoi qu'il en soit, l'idée de ces trois sortes de justices seigneuriales fut empruntée des Romains, chez lesquels il y avoit pareillement trois degrés de jurisdiction, savoir le merum imperium ou jus gladii qui revient à la haute justice ; le mixtum imperium que l'on interprête par moyenne justice, & le droit de justice appellé simplex jurisdictio qui revient à peu près à la basse justice. Il ne faut cependant pas mesurer le pouvoir de ces trois sortes de justices seigneuriales sur les trois degrés de jurisdiction que l'on distinguoit chez les Romains ; car le magistrat qui avoit le merum imperium, connoissoit de toutes sortes d'affaires civiles & criminelles, & même sans appel ; au lieu que parmi nous le pouvoir du haut-justicier est limité à certaines affaires. Le juge du seigneur haut-justicier connoît en matiere civile de toutes causes, de celles personnelles & mixtes entre ses sujets, ou lorsque le défendeur est son sujet. Il a droit de créer & donner des tuteurs & curateurs, gardiens, d'émanciper, d'apposer les scellés, de faire inventaire, de faire les decrets des biens situés dans son détroit. Il connoît des causes d'entre le seigneur & ses sujets, pour ce qui concerne les domaines, droits, & revenus ordinaires & casuels de la seigneurie, même les baux de ces biens & droits. Mais il ne peut connoître des autres causes où le seigneur a intérêt, comme pour billets & obligations, ou réparation d'injures. Il y a encore d'autres causes dont le juge haut justicier ne peut connoître, & qui sont reservées au juge royal ; telles sont celles qui concernent le domaine du roi, ou dans lesquelles le roi a intérêt, celles qui regardent les officiers royaux, & de ceux qui ont droit de committimus, lorsqu'ils veulent s'en servir, celles des églises cathédrales, & autres privilégiées & de fondation royale. Il ne peut pareillement connoître des dixmes, à-moins qu'elles ne soient inféodées & tenues en fief du seigneur haut-justicier ; le juge royal a même la prévention. Il ne peut encore connoître des fiefs, soit entre nobles ou entre roturiers, ni des complaintes en matiere bénéficiale. Anciennement il ne pouvoit pas connoître des causes des nobles, mais la derniere jurisprudence paroît les autoriser. Suivant l'ordonnance de 1667, titre 17. les jugemens définitifs donnés dans les matieres sommaires, dans les justices des duchés, pairies & autres, ressortissent sans moyen au parlement, nonobstant opposition ou appellation, & sans y préjudicier, quand les condamnations ne sont que de quarante livres, & pour les autres justices qui ne ressortissent pas nuement au parlement, quand la condamnation n'est que de 25 livres. En matiere criminelle, le juge du seigneur haut justicier connoît de toutes sortes de délits commis dans sa justice, pourvû que ce soit par des gens domiciliés, & non par des vagabonds, & à l'exception des cas royaux, tels que le crime de leze-majesté, fausse monnoie, assemblées illicites, vols, & assassinats sur les grands chemins, & autres crimes exceptés par l'ordonnance de 1670. Il peut condamner à toutes sortes de peines afflictives, même à mort ; & en conséquence, il doit avoir des prisons sûres & un geolier, & il a droit d'avoir des fourches patibulaires, piloris, échelles & poteaux à mettre carcan ; mais les sentences qui condamnent à peine afflictive, ne peuvent être mises à exécution, soit que l'accusé s'en plaigne ou non, qu'elles n'ayent été confirmées par le parlement. L'appel des sentences du haut justicier en matiere civile, doit être porté devant le juge de seigneur superieur, s'il en a un, sinon au bailliage royal ; les appels comme de juge incompétent & deni de renvoi, & ceux des jugemens en matiere criminelle, sont portés au parlement omisso medio. Le juge haut-justicier exerce aussi la police & la voirie. Le seigneur haut-justicier jouit à cause de sa justice de plusieurs droits, savoir de la confiscation des meubles & immeubles qui sont en sa justice, excepté pour les crimes de leze-majesté & de fausse-monnoie ; il a pareillement les deshérences & biens vacans, les épaves ; il a la moitié des trésors cachés d'ancienneté, lorsque celui qui les découvre est propriétaire du fonds où ils sont trouvés, & le tiers lorsque le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui.
La moyenne justice connoît comme la haute de toutes les causes réelles, personnelles & mixtes, & des droits & devoirs dûs au seigneur, avec pouvoir de condamner les sujets en l'amende portée par la coutume ; mais on ne peut pas y faire d'adjudication par decret. Elle a la police des chemins & voiries publiques, & l'inspection des poids & mesures ; elle peut faire mesurage & bornage, faire élire des messiers, condamner en l'amende dûe pour le cens non payé. A l'égard des matieres criminelles, les coutumes ne sont pas uniformes par rapport au pouvoir qu'elles donnent au moyen-justicier. Plusieurs coutumes lui donnent seulement le pouvoir de connoître des délits légers dont l'amende n'excede pas 60 sols parisis ; il peut néanmoins faire prendre tous délinquans qui se trouvent dans son territoire, les emprisonner, informer, tenir le prisonnier l'espace de 24 heures ; après quoi si le crime mérite plus grieve punition que 60 sols parisis d'amende, il doit faire conduire le prisonnier dans les prisons du haut justicier, & y faire porter le procès pour y être pourvû. D'autres coutumes, telles que celles de Picardie & de Flandres, attribuent au moyen justicier la connoissance des batteries qui vont jusqu'à effusion de sang, pourvû que ce ne soit pas de guet-à-pens, & la punition du larcin non capital. D'autres encore attribuent au moyen-justicier la connoissance de tous les délits qui n'emportent pas peine de mort, ni mutilation de membres. Enfin, celles d'Anjou, Touraine & Maine, lui attribuent la connoissance du larcin, même capital, & de l'homicide, pourvû que ce ne soit pas de guet-à-pens. Ces différences proviennent ou des concessions plus ou moins étendues, faites soit par le roi, ou par les seigneurs dont les petites justices relevoient immédiatement, ou de ce que les seigneurs inférieurs ont été plus ou moins entreprenans, & de la possession qu'ils ont acquise.
La basse justice qu'on appelle aussi en quelques endroits justice fonciere, ou censuelle, connoît des droits dûs aux seigneurs, tels que cens & rentes, & de l'amende, du cens non payé, exhibition de contrats, lods & ventes. Elle connoît aussi de toutes matieres personnelles entre les sujets du seigneur jusqu'à 50 sols parisis. Elle exerce la police dans son territoire, & connoît des dégats commis par des animaux, des injures légeres, & autres délits, dont l'amende ne pourroit être que dix sols parisis & au-dessous. Lorsque le délit requiert une amende plus forte, le bas-justicier doit en avertir le haut-justicier ; auquel cas le premier prend sur l'amende qui est adjugée par le haut-justicier la somme de six s. parisis. Le juge bas-justicier peut faire arrêter tous les délinquans ; & pour cet effet, il doit avoir sergent & prison, à la charge aussi-tôt après la capture, de faire mener le prisonnier au haut-justicier avec l'information, sans pouvoir decréter. Le bas justicier peut faire mesurage & bornage entre ses sujets de leur consentement. En quelques pays il y a deux sortes de basse justice ; l'une fonciere ou censuelle, qui est attachée de droit à tout fief, & qui ne connoît que des droits du seigneur ; l'autre personnelle, qui connoît de toutes les matieres dont la connoissance appartient communément aux bas-justiciers. L'origine de la plûpart des justices seigneuriales est si ancienne, que la plûpart des seigneurs n'ont point le titre primitif de concession, soit que leur justice soit dérivée du commandement militaire qu'avoient leurs prédécesseurs, soit que ceux-ci l'ayent usurpée dans des tems de trouble & de révolution. Quoi qu'il en soit des justices qui sont établies, elles sont toutes censées émanées du roi, & lui seul peut en concéder de nouvelles, ou les réunir ou démembrer ; lui seul pareillement peut y créer de nouveaux offices. Les justices seigneuriales sont devenues patrimoniales en même tems que les bénéfices ont été transformés en fiefs, & rendus héréditaires. Une même justice peut s'étendre sur plusieurs fiefs qui n'appartiennent pas à celui qui a la justice, mais il n'y a point de justice seigneuriale qui ne soit attachée à un fief, & elle ne peut être vendue ni aliénée sans ce fief.
Anciennement les seigneurs rendoient eux-mêmes la justice ; cela étoit encore commun vers le milieu du xij. siecle. Les abbés la rendoient aussi en personne avec leurs religieux ; c'est pourquoi ils ne connoissoient pas des grands crimes, tels que le duel, l'adultere, l'incendie, trahison, & homicide ; mais depuis on a obligé tous les seigneurs de commettre des juges pour rendre la justice en leur nom. Il n'est pas nécessaire que les juges de seigneurs soient gradués, il suffit qu'ils ayent d'ailleurs les autres qualités nécessaires. Ces juges sont commis par le seigneur, & prêtent serment entre ses mains ; ils sont révocables ad nutum, mais ils ne peuvent être destitués comme elogio, sans cause légitime ; & s'ils ont été pourvûs à titre onéreux, ou pour récompense de services réels, ils doivent être indemnisés. Dans les simples justices non qualifiées il n'y a ordinairement qu'un seul juge ; il ne peut pas avoir de lieutenant, que le seigneur ne soit autorisé par lettres-patentes à en commettre un. En l'absence du juge c'est le plus ancien praticien qui tient le siége. Dans les affaires criminelles les juges de seigneurs sont obligés d'appeller deux gradués pour juger conjointement avec eux ; s'il y a deux juges officiers du siége, il suffit d'appeller un gradué. Le seigneur plaide dans la justice par le ministere de son procureur-fiscal ou procureur d'office, lequel fait aussi toutes les fonctions du ministere public dans les autres affaires civiles & criminelles ; mais sur l'appel des sentences où le seigneur est intéressé, c'est le seigneur lui-même qui plaide en son nom. Les juges de seigneurs ont un sceau pour sceller leurs sentences ; ils ont aussi des sergens pour les mettre à exécution, & pour faire les autres exploits de justice. Les seigneurs même hauts justiciers, n'ont pas tous droits de notariat & tabellionage, cela dépend des titres ou de la possession ou de la coutume. Les justices des duchés & comtés-pairies, & autres grandes terres titrées, ne sont que des justices seigneuriales, de même que les simples justices. Les pairies ont seulement la prérogative de ressortir nuement au parlement ; les juges de ces justices pairies prennent le titre de lieutenant-général, & en quelques endroits ils ont un lieutenant particulier. Dans les châtellenies les juges sont nommés châtelains, dans les simples justices, prevôts ou baillifs ; dans les basses justices, ils ne doivent avoir que le titre de maire, mais tout cela dépend beaucoup de l'usage. Voyez Loiseau, des seigneuries, chap. iv. & suiv. Bacquet, des droits de justice, & PAIRIE, SEIGNEUR. (A)