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Guillaume de Clugny, baron de Conforgien

Au moment où Genève et la Suisse fêtent le 400ème anniversaire de "l'Escalade", épisode légendaire de l'histoire de cette ville, il m'a paru intéressant de rappeler que Guillaume de CLUGNY, baron de Conforgien, a joué un rôle important dans cette partie de l'histoire de ce pays.

Pour comprendre le contexte de cette période troublée de notre histoire européenne

 

la Réforme et les guerres de Religion à St Martin de La Mer et en Bourgogne

Genève à l'époque du baron de Conforgien

Janvier 1557 - Le terrier de Guy de Clugny, seigneur de Conforgien (le père de Guillaume)


Guillaume de CLUGNY, baron de Conforgien :

 

Il est probablement né au château de Conforgien, hameau de St Martin de la Mer, vers 1540.

En Bourgogne, à cette époque, le Parlement mène une répression sanglante contre les huguenots. voir chronologie

Conforgien fait ses premières armes sous les ordres de Coligny. Il est blessé au siège de Poitiers en 1569.

Vingt ans plus tard (1589), il fait parler de lui en participant aux combats contre les Ligueurs avec Tavannes.

L'année suivante (1590), les Genevois, menacés par le duc de Savoie, lui offrent la place de commandant de leurs troupes laissée vacante par le départ de Lurbigny, blessé, et dont le prestige avait souffert de la perte de La Cluse. Ils faisaient ainsi un bon choix, car Conforgien était non seulement un "brave et intrépide guerrier" (Spon), mais un habile capitaine "vir bello expertus" (de Thou). De plus, Conforgien connaissait déjà Genève où il s'était réfugié après la Saint-Barthélémy (24-29 août 1572).

Avant d'accepter le commandement des troupes de la république, Conforgien, qui avait sans doute entendu parler des griefs que son prédécesseur avait contre la Seigneurie, posa les conditions suivantes [ voir le courrier du baron à la Seigneurie (Archives de Genève PH2163) ] qui furent acceptées par écrit :

  • 150 écus par mois
  • foin et avoine pour ses chevaux, au nombre de six ou sept
  • entretien aux frais de la république d'une compagnie de cavalerie de son nom
  • permission d'amener avec lui 15 ou 20 bons soldats

De son côté, il renonça à toute part dans le butin, mais il exigea que le Conseil s'engageât, en outre, à lui obtenir l'agrément du roi Henri IV.

La convention signée, il partit pour Genève, et le soir même de son arrivée, il s'embarqua pour tenter sur Evian une attaque-surprise qui fut déjouée parce que l'ennemi était prévenu !

Conforgien fut tout de suite très populaire à Genève et resta toute sa vie au premier rang des « grands amis de Genève ».Un anonyme genevois se fit l'interprète de ses compatriotes pour louer Conforgien :

l
Je chante du Baron Conforgien la louange
Qui le fera fleurir en maint pays estrange,
Ayant par sa vaillance acquis si haut renom
Que de l'ordre de France n'est indigne son nom.

II
Son cœur dévotieux et sa piété surpasse
Son immense valeur, car un jour ne se passe
Que par prière ardente à Dieu son souverain
De cœur ne recommande ce qu'il luy met en main.

Quelques jours plus tard, il répara l'échec d'Evian en remportant près de Bonne une victoire signalée sur le gouverneur du Chablais. Il eut un cheval tué sous lui dans la mélée. Cet épisode est connu dans l'histoire de Suisse sous le nom des "Vendanges de Bonne".

Ce succès genevois n'eut pas une grande importance stratégique, puisque les sources savoyardes n'en ont point gardé la trace, mais pour Genève ce fut l'aube de la gloire et du courage après quelques mois des plus sombres. La fortune des armes, sinon la fortune tout court, recommençait à sourire. Aussi est-il resté l'un des exploits les plus populaires de cette guerre.

Les 14 et 15 septembre 1590, on était allé sous escorte militaire vendanger vers Jussy, et le 17 on s'apprêtait à aller encore plus loin, entre Monthoux et Bonne, vendanger les coteaux d'Arthaz. C'est ce jour-là que le baron d'Hermance choisit pour préparer un traquenard. Il laissa en effet les Genevois venir sans inquiétude à une demi-lieue de Bonne. Ecoutons la chanson de Conforgien:


XIII
De quelques jours après le sieur baron Darmance (1)
Voulust pour son plaisis entrer un peu en dance,
Ayant, sceu les nouvelles que Conforgien sortoit
Avec toutes ses forces, au retour l'attendoit.

XIIII
Le Baron Conforgien sur ce prinst bon courage,
Resolu de passer l'eau à gué ou à nage,
Donnant ferme asseurance d'estre victorieux
Si tous vouloyent combattre d'un combat valeureux.

(1) François-Melchior de Saint-Jeoire, baron d'Hermance et seigneur de la Chapelle-Marin, était commandant des Allinges et avait le titre de Gouverneur militaire du fort de Sainte-Catherine et des bailliages du Chablais, Ternier et Gaillard

 

En effet, Conforgien avait été averti par quelque paysan de l'embuscade qui se préparait, et après la vendange il disposa savamment ses, troupes (150 fantassins et 130 cavaliers), envoyant quelques enfants perdus pour débusquer l'ennemi. Le stratagème était éventé; il fit alors attaquer la cavalerie de face et de côté et défit les 5 cornettes de cavalerie et les 6 compagnies d'infanterie du général-baron savoyard. Ces hommes étaient venus au combat avec une folle confiance : sans casques, et vêtus de riches casaques de velours, comme s'ils allaient "à nopces". Il semble que le Baron d'Hermance, qui attendait le renfort de troupes espagnoles et milanaises, ne l'ait reçu qu'en fin de journée, le combat terminé.

XV
Tous furent resolus et luy firent promesse
De le bien seconder et de grande hardiesse.
Lors de balles ramées un orage gresler
Et grandes mousquetades on oyait re[tirer.]

XVI
Nos gens pour tout cela ne prennent l'espouvante,
Ains le baron passé, l'ennemy s'espouvante;
L'adresse italienne au combat ne servist
Que d'honteuse retraite pour lachement fuir.

XVII
Qui fust bien estonné fust le baron d'Armance,
Qui peu auparavant avoit donné sentence
Que de ceux de Genève nul ne prist à pitié
Soldat portant les armes à cheval ou à pié.

XVIII
Luy comme bien monté pour se sauver fait fendre
Et sans point s'arrêter laissa le sang espandre
D'environ cinq cens hommes de blessés que de morts.

Vérité historique ou légende ? Le chiffre des morts de l'ennemi, deux cent soixante-deux et même plus, comme le racontèrent des cavaliers qui s'étaient rendus sur les lieux le lendemain pour compter les cadavres parmi les ceps de vigne, est sans doute exagéré. Laissons à ce fait d'armes son allure légendaire, le retour des vendanges de Bonne est une des images d'Epinal de l'histoire de Genève.

L 'hiver allait commencer comme celui de l'année précédente, ponctué de petits succès, l'initiative appartenant toujours aux Genevois. Peut-être quelqu'un de ces succès serait-il décisif ? On taquinait particulièrement le fort de Sainte-Catherine, clef de voûte du dispositif de défense de la Savoie en même temps que son point faible, car les soldats y étaient mal ravitaillés et démoralisés.


Philippe III d'Espagne, vers 1600

Ainsi le 29 octobre 1590, Conforgien et ses hommes allèrent escalader et pétarder Cruseilles. Cette équipée était vraiment aventureuse, car Cruseilles, située derrière le Salève, à quelque vingt-cinq kilomètres de Genève, était un repaire d'Espagnols; mais prendre Cruseilles eût été couper les arrières de Sainte-Catherine. L'effet de surprise échoua : lorsque les Genevois arrivèrent devant les murailles, à deux heures du matin, le tocsin des villages environnants avait réveillé la garnison, qui s'était réfugiée sur une plateforme, près du château. Néanmoins la ville fut prise, brûlée et saccagée. Avec une sorte de joie sauvage, on passa au fil de l'épée quelques Espagnols barricadés dans une maison : on pensait qu'ils avaient participé aux massacres du Pays de Gex. Mais après quelques heures, Conforgien fit sonner la retraite; on était trop loin de Genève pour s'attarder longtemps en ces lieux, d'autant plus que certains soldats commençaient à s'égailler pour piller.
"On apporta force corselets et harquebuzes outre 15 ou 16 grandes capes à l'espagnole".Cette audace fit parler d'elle jusqu'à Turin.

Le 12 novembre 1590, Conforgien va explorer Bonne, Boëge, où il fait une razzia de plus de 300 têtes de bétail, Thonon, d'où les argoulets genevois emportent sept cloches, "afin d'empêcher ces sonneurs de tocsin de tant donner d'alarmes"

Le 16 novembre 1590, une expédition à Coudrée n'eut aucun résultat.

Le 29 novembre 1590, Conforgien va du côté de Chaumont, au hameau de Thiollaz, où l'on réunissait des approvisionnements pour le fort de Sainte-Catherine, et ses compagnies détruisent une grande quantité de blé et de farine et mettent le feu au village. Mais craignant l'arrivée des troupes d'Annecy, Conforgien bat en retraite.

Le 10 décembre 1590, il est à Sainte-Catherine où la garnison du fort refuse le combat. Pour se venger, les troupes genevoises incendient le moulin voisin et les granges du château de la Perrière.

Le 1er janvier 1591, ce fut la prise du château de Boringe, menée par Sancy. Mais le 17 janvier, n'ayant plus d'argent pour payer leurs hommes, Lurbigny et Conforgien demandent au Conseil de faire sortir leurs troupes la nuit suivante, afin d'aller surprendre à nouveau Cruseilles et les conduire "picorer".

Cependant la fameuse expédition que depuis si longtemps le roi de France [Henri IV] promettait de lancer contre la Savoie se préparait enfin. Elle allait donner à cette petite guerre une tout autre tournure.

L'arrivée de Sancy lui ayant enlevé la direction des opérations militaires, il continua à servir avec le même dévouement la république, et prit part à toutes les entreprises de ce général et de Guitry.

Ainsi le 12 mars 1591, il participe victorieusement au combat de Monthoux. Le duc de Savoie y perdit 300 hommes, dont une centaine de gentilhommes.

Les Français estimèrent alors qu'ils pouvaient quitter Genève pour la Bourgogne, ce qu'ils firent vers la fin de mars. Sancy et Guitry, embarrassés par ce départ qui ressemblait à une dérobade, se justifièrent en rejetant la responsabilité sur Lesdiguières qui était parti pour la Provence et sur Maisse et ses Italiens. Evidemment, nous l'avons vu, ces raisons étaient valables. Conforgien partit avec eux, ainsi que quelques Genevois dont Sancy avait dit « qu'ilz pourroient apprendre quelque chose pour servir avec le temps à leur patrie ».

Ayant accompagné Sancy en France, il fut remplacé dans le commandement des troupes genevoises par le capitaine Caron.

Il retourna à Genève au mois d'octobre 1592 avec quelque cavalerie, surprit La Bonneville, fit des courses jusqu'à Annecy, s'empara du château d'Arsena, et battit trois compagnies de cavalerie dans les faubourgs de La Roche (novembre 1592 et le 7 mars 1593)

Il paraît qu'il ne sut pas maintenir parmi ses troupes une discipline assez sévère, et il en résulta pour lui et le Conseil des discussions qui le décidèrent à demander son congé en avril 1593.

Ayant besoin de traverser la Savoie pour rejoindre son Morvan natal, Conforgien écrit alors au Baron d'Hermance, son ennemi de la veille, la lettre suivante :


Monsieur le baron d'Hermance, gouverneur du duché du Chablais et fort de Sainte-Catherine pour Son Altesse.

Monsieur j'avais prié Monsieur La Violette de vous suplier pour me faire avoir un passeport de Son Altesse pour men aller chez moy, lequel me dit que d'une grande volonté de votre grâce, vous en avez prié Monsieur Lambert lequel aussy a votre faveur a promis sy employer, dont je vous remercie humblement à tous deux, vous suppliant, croyez que su jay jamais le moyen de vous faire service en votre particulier, vous me trouverez tres dispose selon le commandement que vous me ferez, Monsieur.

J'espere, aydant Dieu, avant que je men aille vous baiser les mains et vous reconfirmer le service que (je) vous ai voue voulant à jamais demeurer

Monsieur

Votre très humble et affectionne serviteur

A Genève, ce XIII avril still ancien 1593

Oubliant le passé, son château de Saint-Jeoire brûlé, sa seigneurie de la Chapelle dévastée par les Berno-Genevois, le souvenir cuisant des vendanges de Bonne, et enfin sa captivité à Genève, le Baron d'Hermance fit le nécessaire pour que Conforgien obtienne le passeport sollicité.

Il partit le 17 avril 1593 ; mais dès le mois de juillet il offrit de retourner à son poste[ voir le courrier du baron à la Seigneurie (Archives de Genève PH2181) ], moyennant :

  • 100 écus d'or par mois
  • "avec les grains, boys et avoyne qu'on lui bailloit ci-devant"
  • et 15 écus d'or par mois pour l'entretien de trois hommes montés et armés.

Le Conseil ne jugea pas à propos d'accepter ses offres de service.

Conforgien est de nouveau en Suisse fin 1600. La vicctoire de Monthoux [décembre 1600] lui est attribuée.

En 1602, (d'après J-F Baudiau) "il défendit vaillamment la ville de Genève contre les troupes de Charles Emmanuel de Savoie, qu’il défit. Aussi les Genevois, reconnaissants, déposèrent son armure dans leur arsenal, comme un monument perpétuel de sa valeur."

Le Conseil de Genève le rappela de nouveau en avril 1603, pour remplacer Monsieur de Villars à la tête des troupes. Il prêta serment le 19 avril. Mais la paix était proche. Elle fut signée le 21 juillet par le Traité de St Julien.


Le château de Conforgien - Reconstitution virtuelle de l'aspect ancien du donjon

Conforgien rentre chez lui et vit dans ses terres.

En 1605, les églises de Bourgogne le choisissent comme leur député à l'Assemblée politique de Châtellerault, en lui donnant pour collègues Armet et Du Noyer, sieur de Joncy.

En 1616, le Conseil de Genève lui offre de nouveau le commandement des troupes de la république. Mais il répondit négativement à en invoquant son grand âge et ses infirmités.

De son mariage avec Charlotte de Saint-Belin, Guillaume de Clugny eut une fille nommée Marie-Madelaine, qui épousa Jean de Refuge.

 

Sources :

La France protestante - E et E HAAS.

La Seigneurie de Genève et la maison de Savoie de 1559 à 1593, Tome III - Lucien CRAMER - Genève 1950 - (document aimablement communiqué par Bruno DEVOUCOUX)

Le Morvand - Jean-François BAUDIAU, 1867

Une lettre inédite du baron de Conforgien, ou son dernier combat avec le baron d'Hermance - Abbé A. GAVARD - Revue savoisienne - 1932

 

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