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de deux laboureurs qui donnent avec beaucoup de précision
le contenu d'une maison d'un paysan telle qu'il en existait à
St Martin au milieu du XVIIIe siècle.
Les
maisons-types dans la région de Montsauche (Morvan) -
1894 -
Source : BNF
Notice communiquée
par M. Monod, conseiller général de la Nièvre
"La
maison-type dont il va être parlé est la maison
du haut Morvan, dont Montsauche, arrondissement de Château-Chinon,
serait le centre et qui se trouve limité comme il suit
: au nord par les départements de la Côte-d'Or
et de l'Yonne, en suivant une ligne allant de Saulieu à
Quarré-les-Tombes et Bazoches ; à l'ouest, par
le surplus du département de la Nièvre, en suivant
une ligne allant de Corbigny à Montreuillon et Château-Chinon
; au sud par le département de la Saône-et-Loire,
en suivant une ligne allant de Château-Chinon à
Roussillon et Lucenay-l'Evêque ; et à l'est, par
le département de Saône-et-Loire, en suivant une
ligne allant de Lucenay-l'Evêque à Bar-le-Régulier
et Thoisy.
Il
semble que les anciens ne se préoccupaient guère
de l'orientation de leurs habitations : elles sont placées
pêle-mêle, sans ordre, autant que possible près
d'un cours d'eau, d'une source, d'une fontaine, mais sans tenir
compte des raisons topographiques, géologiques, météorologiques,
de la direction des vents, etc.
Les
maisons du Morvan sont en général dispersées,
les hameaux sont peu serrés. Cette disposition tient
à deux raisons principales : 1° au morcellement de
la propriété ; 2° à l'esprit processif
et chicanier des habitants. Un léger délit, un
arbre mitoyen, un cours d'eau, les limites d'un champ ou d'un
pré, une injure légère deviennent une cause
de procédure et une source de malheur pour les familles,
car un premier procès en engendre d'autres qui ne finissent
souvent que par la ruine de l'une des deux parties, ou quelquefois
de l'une et de l'autre.
Pour
toutes ces raisons, chacun cherche à s'isoler de son
voisin : le paysan construit sa maison au milieu de sa petite
propriété, dans le but d'éviter tout contact
avec son voisin et de vivre tranquille chez lui.
Extérieurement,
la maison ancienne représente la misère : très
basse, couverte en paille et conséquemment exposée
aux incendies ; elle n'a, en général, qu'une seule
ouverture, la porte d'entrée, mal jointe, montée
sur châssis en bois. A l'une des extrémités
de la maison, on voit quelquefois une autre porte, très
basse, conduisant dans l'étable, où le Morvandeau
abrite ses deux vaches.
C'est
dans cette chétive habitation, enduite à l'intérieur
d'un peu de mortier seulement, que le paysan se repose après
le labeur de chaque jour ; c'est là qu'il se garantit
de la pluie, de la chaleur et du froid ; c'est là que
naissent ses enfants, qu'ils grandissent, qu'ils s'élèvent
et forment leur constitution.
Cette
habitation ne répond en aucune façon aux lois
de l'hygiène : elle est mal construite au point de vue
purement matériel ; elle ne se compose, en général,
que d'une seule pièce, mal close, très basse,
mal aérée, mal éclairée, n'ayant
le plus souvent aucune fenêtre, ne possédant d'autre
ouverture que la porte d'entrée.
Peu
de maisons sont pavées : tout au plus un peu de terre
glaise battue, et le plus souvent, la maison a pour parquet
la terre, à travers laquelle viennent sourdre les eaux
des terrains qui dominent par derrière. Il résulte
de cette disposition qu'il règne presque toujours dans
ces habitations une grande humidité, augmentée
encore par l'insouciance et l'incurie des habitants, qui répandent
sur le sol les eaux qui ont servi aux usages domestiques, plutôt
que de se donner la peine de les jeter au dehors. Qu'on ajoute
à cela la fréquentation et même quelquefois
la cohabitation des animaux domestiques, porcs, chèvres,
moutons, volailles, et il sera facile de se faire une idée
de l'insalubrité des vieilles maisons morvandelles.

Intérieur
d'une maison paysanne - Dessin de Joseph COLLENOT - 1901
Une
cheminée immense, sous laquelle viennent s'abriter tous
les membres de la famille, donne autant de froid que de chaleur
; peu élevée et très large, le vent s'y
engouffre et rabat la fumée ; d'où la nécessité
de laisser entr'ouverte la porte d'entrée : la fumée
s'échappera par là, mais par là aussi s'établira
un courant d'air mortel pour la nouvelle accouchée, mortel
pour l'enfant qui vient de naître.
Il
existe quelquefois dans la maison une seconde pièce qu'on
appelle le fournil : c'est la pièce de débarras,
c'est là qu'on pétrit la pâte, qu'on cuit
le pain, qu'on fait la lessive, qu'on prépare la nourriture
des animaux domestiques.
L'ameublement
de la pièce est des plus complexes : on y rencontre deux
ou trois grands lits ; deux ou trois berceaux mobiles suspendus
les uns sur les autres en forme de hamacs et ressemblant à
de petits cercueils ; une ou deux armoires ; un vieux buffet
; quelques coffres ; une échelle suspendue horizontalement
au plafond pour supporter les tourtes de pain ; une table épaisse
au milieu de la pièce, flanquée de deux bancs
de bois ; quelques chaises grossières faites dans la
maison ; quelquefois un poêle en fonte garni de ses marmites.
Dans presque toutes les maisons, un métier de sabotier,
avec tous les instruments nécessaires à la fabrication
des sabots, chaussure presque exclusive des Morvandeaux, que
presque tous savent fabriquer, quelques uns même d'une
manière artistique. Souvent aussi, dans un coin obscur,
un métier de tisserand, car presque tous aussi savent
fabriquer la toile et le drap grossier qui sert à les
vêtir. Comme ornement de la maison, au-dessus de la cheminée,
une vieille madone enguirlandée, un bouquet de mariée
placé sur un coussin et recouvert d'un globe, quelques
gravures du premier Empire, quelques images enfumées
d'Epinal, quelques journaux du département, reçus
à l'époque des élections.
Sous
chaque lit, une excavation profonde, sorte de cave destinée
à emmagasiner les légumes d'hiver, foyer perpétuel
de fermentation, d'où s'exhalent des miasmes pestilentiels.
Souvent,
dans un coin de l'habitation, existe une porte de communication
avec l'étable, servant à loger la vache ou la
chèvre..
L'ancienne
maison ne se composant que d'une seule pièce, si un des
membres sait un métier, c'est dans cette pièce
qu'il l'exerce (charron, menuisier, cordonnier, sabotier, tisserand).
Toutes
les maisons ont comme annexe une cour, un petit jardin, un champ
très soigné appelé ouche, un petit pré.
Il n'existe point de vignes.
Les
habitants du Morvan ont la détestable habitude de placer
à la porte même de leur habitation les fumiers
provenant de leur étable, et d'établir dans leur
cour des trous qu'ils remplissent de mauvaise paille et de détritus
de toutes sortes. Sous les pieds, de cet épais tapis
destiné à faire du fumier et des engrais, s'échappe
une eau noire et fétide : çà et là,
dans les chemins qui traversent les villages, croupissent des
mares infectes où l'on accumule la fiente que les animaux
déposent sur la voie publique et qui appartiennent au
premier occupant.
Qu'un
membre de la famille tombe malade, rien n'est changé
dans la disposition de l'habitation ; personne ne se dérange,
pas même son camarade ou ses camarades de lit, car souvent
trois et même quatre individus couchent ensemble. Que
le malade soit atteint d'une affection contagieuse, et l'on
voit les conséquences d'un pareil état de choses
! Aussi les épidémies sont-elles particulièrement
meurtrières dans le Morvan.
Quand
on passe en revue toutes ces causes d'insalubrité, on
se demande comment le Morvandeau peut avoir cette constitution
robuste qui le caractérise.
Les
conditions d'hygiène morale sont aussi défectueuses
que les conditions d'hygiène physique. Tous les membres
de la famille, jeunes ou vieux, couchent dans la même
pièce ; et le nombre de lits étant insuffisant,
les âges et les sexes ne sont point divisés comme
il le faudrait pour empêcher des contacts déplorables.
Mais je ne veux pas insister sur cette question : il n'est que
trop facile de suppléer à mon silence !"
L'INTERIEUR
DES MAISONS PAR LES INVENTAIRES DE SUCCESSION
Source
: Archives de la Côte d'Or, citées par Pierre PIVERT
dans son livre
"Essai sur la vie des des paysans des seigneuries de Liernais
et de Villars"
Dijon 1985