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L'histoire de St Martin de la Mer,
village en Morvan
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St Martin de la Mer
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La maison paysanne à Saint-Martin à la fin du 18ème siècle

Les images des maisons rurales du 18ème siècle sont relativement rares, mais elles nous sont parvenues grâce à des dessins et des peintures. Ainsi, celles que nous a transmises M. VERTET, curé de St Martin de la Mer à la fin du 19ème siècle, qui a laissé de nombreuses peintures des paysages du Morvan et de St Martin.


Maisons à St Martin de la Mer - Détail d'un tableau de M. Vertet (vers 1900), curé de St Martin.

Parmi les descriptions écrites qui existent, j'en ai retenu deux qui me semblent assez fidèles :

  • une "enquête sur les conditions de l'habitation en France", réalisée par Alfred de FOVILLE en 1894, qui fournit une bonne description de l'habitation dans la région de St Martin de la Mer, sans doute assez proche de ce que pouvait être la maison de la fin du 18ème siècle.
  • les inventaires de succession, de deux laboureurs qui donnent avec beaucoup de précision le contenu d'une maison d'un paysan telle qu'il en existait à St Martin au milieu du XVIIIe siècle.

    Les maisons-types dans la région de Montsauche (Morvan) - 1894 - Source : BNF

    Notice communiquée par M. Monod, conseiller général de la Nièvre

    "La maison-type dont il va être parlé est la maison du haut Morvan, dont Montsauche, arrondissement de Château-Chinon, serait le centre et qui se trouve limité comme il suit : au nord par les départements de la Côte-d'Or et de l'Yonne, en suivant une ligne allant de Saulieu à Quarré-les-Tombes et Bazoches ; à l'ouest, par le surplus du département de la Nièvre, en suivant une ligne allant de Corbigny à Montreuillon et Château-Chinon ; au sud par le département de la Saône-et-Loire, en suivant une ligne allant de Château-Chinon à Roussillon et Lucenay-l'Evêque ; et à l'est, par le département de Saône-et-Loire, en suivant une ligne allant de Lucenay-l'Evêque à Bar-le-Régulier et Thoisy.

    Il semble que les anciens ne se préoccupaient guère de l'orientation de leurs habitations : elles sont placées pêle-mêle, sans ordre, autant que possible près d'un cours d'eau, d'une source, d'une fontaine, mais sans tenir compte des raisons topographiques, géologiques, météorologiques, de la direction des vents, etc.

    Les maisons du Morvan sont en général dispersées, les hameaux sont peu serrés. Cette disposition tient à deux raisons principales : 1° au morcellement de la propriété ; 2° à l'esprit processif et chicanier des habitants. Un léger délit, un arbre mitoyen, un cours d'eau, les limites d'un champ ou d'un pré, une injure légère deviennent une cause de procédure et une source de malheur pour les familles, car un premier procès en engendre d'autres qui ne finissent souvent que par la ruine de l'une des deux parties, ou quelquefois de l'une et de l'autre.

    Pour toutes ces raisons, chacun cherche à s'isoler de son voisin : le paysan construit sa maison au milieu de sa petite propriété, dans le but d'éviter tout contact avec son voisin et de vivre tranquille chez lui.

    Extérieurement, la maison ancienne représente la misère : très basse, couverte en paille et conséquemment exposée aux incendies ; elle n'a, en général, qu'une seule ouverture, la porte d'entrée, mal jointe, montée sur châssis en bois. A l'une des extrémités de la maison, on voit quelquefois une autre porte, très basse, conduisant dans l'étable, où le Morvandeau abrite ses deux vaches.

    C'est dans cette chétive habitation, enduite à l'intérieur d'un peu de mortier seulement, que le paysan se repose après le labeur de chaque jour ; c'est là qu'il se garantit de la pluie, de la chaleur et du froid ; c'est là que naissent ses enfants, qu'ils grandissent, qu'ils s'élèvent et forment leur constitution.

    Cette habitation ne répond en aucune façon aux lois de l'hygiène : elle est mal construite au point de vue purement matériel ; elle ne se compose, en général, que d'une seule pièce, mal close, très basse, mal aérée, mal éclairée, n'ayant le plus souvent aucune fenêtre, ne possédant d'autre ouverture que la porte d'entrée.

    Peu de maisons sont pavées : tout au plus un peu de terre glaise battue, et le plus souvent, la maison a pour parquet la terre, à travers laquelle viennent sourdre les eaux des terrains qui dominent par derrière. Il résulte de cette disposition qu'il règne presque toujours dans ces habitations une grande humidité, augmentée encore par l'insouciance et l'incurie des habitants, qui répandent sur le sol les eaux qui ont servi aux usages domestiques, plutôt que de se donner la peine de les jeter au dehors. Qu'on ajoute à cela la fréquentation et même quelquefois la cohabitation des animaux domestiques, porcs, chèvres, moutons, volailles, et il sera facile de se faire une idée de l'insalubrité des vieilles maisons morvandelles.


    Intérieur d'une maison paysanne - Dessin de Joseph COLLENOT - 1901

    Une cheminée immense, sous laquelle viennent s'abriter tous les membres de la famille, donne autant de froid que de chaleur ; peu élevée et très large, le vent s'y engouffre et rabat la fumée ; d'où la nécessité de laisser entr'ouverte la porte d'entrée : la fumée s'échappera par là, mais par là aussi s'établira un courant d'air mortel pour la nouvelle accouchée, mortel pour l'enfant qui vient de naître.

    Il existe quelquefois dans la maison une seconde pièce qu'on appelle le fournil : c'est la pièce de débarras, c'est là qu'on pétrit la pâte, qu'on cuit le pain, qu'on fait la lessive, qu'on prépare la nourriture des animaux domestiques.

    L'ameublement de la pièce est des plus complexes : on y rencontre deux ou trois grands lits ; deux ou trois berceaux mobiles suspendus les uns sur les autres en forme de hamacs et ressemblant à de petits cercueils ; une ou deux armoires ; un vieux buffet ; quelques coffres ; une échelle suspendue horizontalement au plafond pour supporter les tourtes de pain ; une table épaisse au milieu de la pièce, flanquée de deux bancs de bois ; quelques chaises grossières faites dans la maison ; quelquefois un poêle en fonte garni de ses marmites. Dans presque toutes les maisons, un métier de sabotier, avec tous les instruments nécessaires à la fabrication des sabots, chaussure presque exclusive des Morvandeaux, que presque tous savent fabriquer, quelques uns même d'une manière artistique. Souvent aussi, dans un coin obscur, un métier de tisserand, car presque tous aussi savent fabriquer la toile et le drap grossier qui sert à les vêtir. Comme ornement de la maison, au-dessus de la cheminée, une vieille madone enguirlandée, un bouquet de mariée placé sur un coussin et recouvert d'un globe, quelques gravures du premier Empire, quelques images enfumées d'Epinal, quelques journaux du département, reçus à l'époque des élections.

    Sous chaque lit, une excavation profonde, sorte de cave destinée à emmagasiner les légumes d'hiver, foyer perpétuel de fermentation, d'où s'exhalent des miasmes pestilentiels.

    Souvent, dans un coin de l'habitation, existe une porte de communication avec l'étable, servant à loger la vache ou la chèvre..

    L'ancienne maison ne se composant que d'une seule pièce, si un des membres sait un métier, c'est dans cette pièce qu'il l'exerce (charron, menuisier, cordonnier, sabotier, tisserand).

    Toutes les maisons ont comme annexe une cour, un petit jardin, un champ très soigné appelé ouche, un petit pré. Il n'existe point de vignes.

    Les habitants du Morvan ont la détestable habitude de placer à la porte même de leur habitation les fumiers provenant de leur étable, et d'établir dans leur cour des trous qu'ils remplissent de mauvaise paille et de détritus de toutes sortes. Sous les pieds, de cet épais tapis destiné à faire du fumier et des engrais, s'échappe une eau noire et fétide : çà et là, dans les chemins qui traversent les villages, croupissent des mares infectes où l'on accumule la fiente que les animaux déposent sur la voie publique et qui appartiennent au premier occupant.

    Qu'un membre de la famille tombe malade, rien n'est changé dans la disposition de l'habitation ; personne ne se dérange, pas même son camarade ou ses camarades de lit, car souvent trois et même quatre individus couchent ensemble. Que le malade soit atteint d'une affection contagieuse, et l'on voit les conséquences d'un pareil état de choses ! Aussi les épidémies sont-elles particulièrement meurtrières dans le Morvan.

    Quand on passe en revue toutes ces causes d'insalubrité, on se demande comment le Morvandeau peut avoir cette constitution robuste qui le caractérise.

    Les conditions d'hygiène morale sont aussi défectueuses que les conditions d'hygiène physique. Tous les membres de la famille, jeunes ou vieux, couchent dans la même pièce ; et le nombre de lits étant insuffisant, les âges et les sexes ne sont point divisés comme il le faudrait pour empêcher des contacts déplorables. Mais je ne veux pas insister sur cette question : il n'est que trop facile de suppléer à mon silence !"

     

    L'INTERIEUR DES MAISONS PAR LES INVENTAIRES DE SUCCESSION

    Source : Archives de la Côte d'Or, citées par Pierre PIVERT dans son livre
    "Essai sur la vie des des paysans des seigneuries de Liernais et de Villars"
    Dijon 1985

  • 1er inventaire :

    Suite au décès d'Etienne GERVAIS à Lhuyneau, un inventaire de succession est fait le 17 septembre 1744. On y trouve :

    • Meubles :
      • Matériel de cheminée (crémaillère, pelle, etc)
      • Bois de lit, traversin de plumes d'oie, drap de toile d'étoupe neufs, couette, rideau de lit ... 24 livres
      • Maie en chêne, coffre à l'antique en bois de poirier ... 8 £
      • autre coffre avec les habits des enfants
      • mauvais bois de lit, toiles
    • Ustensiles et linge :
      • 2 chemises presque neuves à l'usage de la défunte
      • un bassin d'airain, une truelle, une chaudière de fonte, un seau, une lampe de cuivre à chaîne, 3 assiettes en bois, 3 pots de fer à couvercle ... prix non indiqué
    • Outils :
      • 3 pelles, 4 faucilles, une cognée, petite enclume et marteau à battre le dard, 2 pioches, 2 sarcloirs
      • dans la grange :
        • un grand char à ridelles ... 6 £
        • une charrue garnie de ses ferrures ... 5 £
        • 3 jougs garnis de leurs courroies ... 4 £
        • un collet et le harnois de la jument
        • 2 mauvaises charrettes ... 3 £
        • plusieurs pièces de bois préparées pour bâtir et gâtées par les pluies.
    • Cheptel
      • une jument rouge ... 50 £
      • 3 boeufs ... 180 £
      • 3 vaches, 2 taures, 2 veaux ... 130 £
      • une truie et 6 petits de 15 jours et 5 de 6 mois ... 20 £
    • Récolte engrangée
      • Seigle et avoine ... 120 £
      • foin (3 chars) ... 30 £
      • 100 poignées de chanvre ... 4 £
      • un tas de fumier
      • 2 jardins bien cultivés
    • Papiers
      • Les quittances des droits seigneuriaux de 1728 à 1740
      • Les quittances du paiement des tailles des années 1735 à 1740 (il apparaît que le défunt devait être chargé de sa perception, car il paie 250 £ en février 1735 et 442 £ en avril 1736)

Le contenu de la maison et en particulier le bétail semblent indiquer qu'Etienne GERVAIS était laboureur, donc d'une catégorie sociale plus favorisée que les simples ouvriers agricoles, les manouvriers.

  • 2ème inventaire :

    Celui réalisé au décès de Edme COUHARD le Jeune, laboureur à la Mer, par Emiland BLANOT et François LAURENT, marchands

    • Meubles :
      • 3 lits, 6 coffres dont 2 vides, et dans les autres du linge (6chemises, culottes, peaux de mouton, biaudes)
      • crémaillère, chenêts, 2 seaux, 2 bassins, poële, 8 pots en fer, etc
      • une table, 2 bancs, 4 mauvaises chaises, une armoire en cerisier à 4 "fenêtres", et 2 tiroirs contenant des papiers
    • Linge :
      • 2 grandes nappes, 2 petites, 2 douzaines de serviettes
    • Récolte engrangée au grenier :
      • 60 boisseaux de seigle, 20 mesures de froment
    • Cheptel :
      • 4 paires de boeufs, 4 taureaux de 2 ans, 2 torillons, une "toirie" (taure), 7 vaches, 2 veaux, 50 chefs de moutonnaille, tant brebis qu'agneaux.

L'ensemble est estimé à 922 £

Par ailleurs Edme COUHARD, qui est en apparence plus riche qu'Etienne GERVAIS ci-dessus, est lourdement endetté :

  • 400 £ dues à divers particuliers
  • 400 £ que, dans son rôle de percepteur de la taille à La Mer, Saint-Martin et Mâcon, il n'a pas réussi à percevoir, et qu'il doit payer sur ses propres deniers.

Le solde est d'environ 120 £ !

 

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