Santé et espérance de vie à St Martin de la Mer (1770-1792)
Voir
un Cahier du Service Educatif des Archives de la Côte-d'Or,
très riche en documents d'archives sur les thèmes
de la santé, de la médecine, des professions
de santé aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. |
Le XVIIIème
siècle n'est pas vraiment le "siècle des lumières" pour
les habitants de St Martin.
L'époque
de l'histoire du Bois des Issards est marquée par :
- une mortalité
infantile élevée, conséquence, en partie,
de conditions climatiques particulièrement rigoureuses
- une durée
de vie moyenne de 25,5 années
- des professionnels
de santé à compétence limitée
La
mortalité infantile fait des ravages : 145 décès
sur 398 (36%) concernent des enfants de moins de 2 ans, dont 32
avant la fin de la première semaine.
Elle touche
toutes les classes sociales, du manouvrier au seigneur.
La famille du seigneur Espiard de Mâcon, n'est pas épargnée : des
6 frères et soeurs de Jean-Baptiste-Lazare-Pierre Espiard de Mâcon,
seigneur de cette époque, 3 sont morts avant l'âge de 3 mois, 1
à 2 ans 1/2 et 1 à 13 ans.
Le graphique
ci-dessous est la pyramide des âges des décès. On meurt jeune à
St Martin de la Mer... et on peut aussi y vivre vieux !

La
durée de vie - l'espérance de vie
Un bébé qui
naît à St Martin entre 1770 et 1792 peut espérer vivre 25,5
ans, et encore il a la chance que cette période ne comporte
pas de guerre... Avec la Révolution et l'Empire les motifs supplémentaires
de décès ne vont pas manquer.
Si on neutralise
les décès survenus avant l'âge de 2 ans, on
peut constater que la durée de vie moyenne est proche de
48-50 ans, avec des longévités tout à fait
honorables de 70 à 80 ans.
Le graphique
ci-dessous indique l'âge moyen des décès pour chaque année de la
période. Ce n'est pas, statistiquement parlé, l'espérance
de vie, mais c'est une notion très proche.

Les
variations de la mortalité pendant la période
Il y a eu, de
1770 à 1792 (date à partir de laquelle l'état-civil n'est plus assuré
par la paroisse mais par la Mairie), 398 décès enregistrés. C'est
à dire que près d'un habitant sur deux est décédé pendant cette
période.
Le graphique
ci-dessous indique le nombre de décès par année, dont les décès
d'enfants de moins de 2 ans (en jaune).
Il fait apparaître
plusieurs années "noires" de 1776 à 1783, 1786 et 1790.
En revanche, la peste de 1773 à Saulieu - tout proche - ne semble
pas avoir eu d'effets sensibles à St Martin. Les hivers décrits
comme très rigoureux de 1778 et 1788 se traduisent par une mortalité
plus élevée, mais pas de façon très significative.

Pyramide
des âges de la Généralité de Bourgogne
d'après le recensement de 1786
St Martinde
la Mer n'est pas en Bourgogne, mais ce recensement donne une bonne
idée de la population de cette région au moment où
commence l'affaire du Bois des Issards. La forme de cette pyramide
est proche de celle qu'on peut trouver actuellement dans un pays
"en voie de développement".

Les
professions de santé
Elles sont composées
de 4 personnages significatifs, dont deux (la sage-femme et le curé)
résident à St Martin et deux résident à
Saulieu (le chirurgien et l'apothicaire)
La sage-femme
(à St Martin de la Mer, en 1786, elle s'appelle Anne CANAT).
Elle a vraisemblablement été choisie par le curé, après consultation
des matrones du village. Les critères de choix : la compétence,
mais surtout la moralité, vue sous l'angle de la pratique religieuse,
car elle a une fonction essentielle, outre celle d'assister aux
accouchements. C'est elle qui baptise en urgence (ondoiement) les
bébés qui meurent à la naissance. Et ils sont nombreux.
Le chirurgien
: ses soins sont le plus souvent ceux décrits par Molière
: les purgatifs, laxatifs, vomitifs, et saignées, qui généralement
affaiblissent le malade au lieu de le soigner. Les textes sur
la médecine révèlent une science qui a généralement
rétrogradé par rapport aux pratiques de l'Antiquité.
Voir le texte du médecin suisse Simon-André TISSOT (1728-1797) qui,
au début de son ouvrage médical de 1763, intitulé "Avis
au peuple sur sa santé", décrit les causes les plus fréquentes
des maladies du peuple, et donne les moyens d'éviter, ou au moins
de diminuer l'action de ces causes de maladies.
L'apothicaire
: il met à disposition des malades une pharmacopée
proche de celle décrite dans la liste suivante, qui définissait
une sorte de dotation standard à l'usage des professionnels
de santé de la Généralité de Bourgogne
vers 1742 :
"Poudre
vomitoire, dans les commencements de toutes les maladies où les
vomitifs sont indiqués : 75 prises.
Poudre fébrifuge purgative, dans toutes les sortes de fièvres intermittentes
: 79.
Pilules purgatives universelles, dans les fièvres continues, malignes,
ardentes, pourpreuses, etc. : 39.
Pilules hydragogues purgatives, dans les hydropisies, enflures,
bouffissures, etc. : 39.
Poudre spécifique d'hypecacuana préparée contre les cours de ventre,
flux de sang, dysenteries, etc. : 39.
Poudre de corail anodine, dans les dysenteries, cours de ventre,
coliques bilieuses et douleurs néphrétiques, etc. : 39.
Paste sudorifique, dans la pleurésie et fausse pleurésie, et par
tout où il s'agit de provoquer la sueur : 39".
auxquelles
s'ajoutent des remèdes en vrac :
"Or
potable, cordial, dans les Apoplexies sèreuses, lèthargies, fièvres
malignes et pestilentielles : une fiole.
Elixir thériacal, autre cordial, dans la petite vérole, rougeole,
etc. : une fiole.
Quintessence d'absinthe, stomachique, dans les vomissemens, dégoûts,
langueurs, foiblesses, etc. : une fiole.
Boule médicamenteuse, contre les Playes, Chûtes et Contusions :
une boule.
Pierre bleue, pour les inflammations des yeux : demi-once.
Thériaque : deux onces". (La thériaque est un mélange sédatif
de nombreux produits, et contient en particulier de l'opium ; c'est
un grand classique de la pharmacopée, utilisé à l'origine comme
antidote aux poisons. On le retrouve dans une treizième boite, distribuée
en complément, et qui contient des produits analogues, avec en plus
une livre de quinquina et une livre d'"onguent
de Nuremberg, pour les playes, Clous, Panaris, Apostumes, Ulcères,
Brûlures, Angelures, etc.".)
Le curé
: Il n'est pas vraiment un en charge de la santé physique,
et il intervient généralement quand les 3 autres spécialistes
ont épuisé les ressources de leur science. Ses connaissances
en médecine viennent sans doute de son contact avec les malades
et les mourants.
Un texte très étonnant écrit par le curé
de St Brisson (58) en 1773 sur le registre paroissial, montre qu'il
pouvait aussi rivaliser avec les spécialistes sans invoquer
le miracle.
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