Aujourdhui deux juillet après
midy, lan 1786 au lieu dit St Martin de la Mert en la maison
curialle dud lieu pardevant nous Jean Hérard notaire royal juré
soussigné avec les témoins ci notaire en la résidence de Vésigneux
paroisse de St Martin du Puits et pour commissaire aux droits
seigneuriaux, député en cette part pour la confection du nouveau
papier terrier de la Chatellenie de Liernais et furent présens
François Charles, chantre de léglise dud St Martin de la
Mert, Nicolas Imbert lab. Lazare Collenot lab. Philibert Geay
dit Barbotte lab. François Ronsin et Jean Cécile Billiard man.
Lesquels solidairement lun pour lautre un deux seul
pour le tout renonçant au bénéfice de division ordre de droit
et discussion de biens et se faisant en tant que desoin fort chacun
pour leurs femmes ont dit que pour parvenir toute instance et
poursuitte déja commencées de la part de Monseigneur le Duc du
Nivernais seigneur de ce lieu pour raison de cens à luy dus, même
pour ...(?) celles qui pourroient naître entre eux a cet effet
et à raison de la manière de jouir de leurs fonds notament dun
canton de bois situé au finage dud St Martin de la Mert, qui est
sous différentes dénominations entre autres Les Rompeux, La Fontaine
aux Loups, le Pré Doizot, Les Fouillerons, Les Issards, et ce
qui aujourdhuy ne forme plus quune seulle et même
masse ce depuis long temps et tout au moins depuis 1670 époque
du dernier terrier de lad Chatellenie reçu Garnier, où led dits
bois sont rapportés chargés de cens le tout ensemble contenant
actuellement la quantité de 52 arpens règlés à raison de 100 perche
de 22 pieds de Roy suivant larpentage qui vient den
être fait quà lad époque cette même masse a raison du grand
nombre de propriétaires qui existoient alors occasionna une multitude
de portions les uns plus les autres moindres à cause de ces différents
propriétaires qui sont actuellement représentés par les soussignés
et Mr Espiard de Macon seigneur dud lieu y demt, cy présent
stipulant et acceptant et sous la clause solidère de sorte que
depuis lad époque lad masse de bois sest trouvé en si grande
confusion quaucun desd représentans nen ont pu jouir
que comme si réellement ces bois avoient lad nature dusage
raison pourquoy et autres et pour a tout advient ... (?) les secondt
sous la clause solidaire ont sur le tout réglés, transigés à recouvrer
le tout en la forme et manière qui suit.
Premièrement toutes les parties
sous lad clause solidaire sans titre si soupu....(?) si entre
elles et ledit seigneur de Mâcon il se trouve une égalité de propriété
dans lesd bois et que voyant quaprès avoir fait la distraction
de quelques portions étrangères savoir neuf journaux qui en font
six grands à raison de trois cent soixante dix perches et demie
appartenant à léglise dud St Martin de la Mert de la directe
du seigneur de Conforgien et par héritage donnée pour fondation
aux Curés anciens de lad église ainssy quil conste par le
titre en forme de terrier reçu Saillier Notre qui fut
consenti au proffit de Mr Claude Lombard, Curé dud St Martin de
la Mert le dix 8bre 1552, présenté et exhibé et retiré par Mr
Claude François Renard, Curé actuel dud St Martin, lesd neuf petit
journaux situés au bout du Champ de la Masse appartenant à la
Cure et à Philibert Billiard séparé par le chemin des Issards
allant dud St Martin à Saulieu
Plus trois journaux au petit journal
appartenant au sieur François Petillot, perruquier à Saulieu
Plus cinq journaux, les deux places
appartenant au sieur Donet et consort de Conforgien
Plus six journaux appartenant à madame
Laligant de St Martin de la Mert
il leur restait la quantité de 34
arpens 35 perches valant 76 jourx ¾ et quatre perches et ¼ ce
qui fait à peu chose près 78 jourx de bois et buissons a eux appartenant
ce qui leur fait chacun 13 jx dont le tout, les parties distraites
comprises tenant dun long de levant aud chemin de St Martin
à Saulieu, de midy au chemin ancien qui règne sur La Liotte et
...(?) Le Cloiseau, le Vernay et les prés Boirot, de couchant
et septentrion au Grand Chemin dAutun à Saulieu et celle
ded habitans séparément lieu dud levant aud Grand Chemin de St
Martin à Saulieu, de midy à la Liotte de lad Curre audit Vernay
du Sr Couhard et au prée Boirot lez chemin dusence (?) et plants
vifs entre deux dautre part de couchant au Grand Chemin
dAutun à Saulieu et tenant de septentrion au bois de Mr
de Mâcon partagé davec lesd habitans bornés entre deux.
lesd sous lad clause solidaire ont
dit et sont convenus entre eux que lesd 78 jx seront divisés et
partagés en six portions égalles, quil en sera formé des
lots qui seront tirés au sort entre eux observant néantmoins que
comme il y a des parties dud bois qui sont de moindre valleur
que dautres il est convenu aussy que les moindres parties
seront indemnisées par le plus ou le moins des parties et non
à prix dargent.
Convenu aussy en conséquence de ce
qui vient dêtre dit que les cens dus à mondit seigneur le
duc échus et à venir seront égallement divisés et partagés savoir
les échus en sept portions égalles dont six pour les habitans
et une septième pour mond sieur de Mâcon, et ce pour abandon quil
fait présentement de plusieurs portions esparses mais bien connues
qui luy résultent des acquisitions de droits quil a fte
pad luy et ses auteurs pard les anciens Dupuis et Guerignot à
condition quil luy restera en toute propriété un canton
de lot en nature de tailly et entouré de pl...(?) tout a lentour
situé au dessus de la Chaume des Issards attenant led chemin de
St Martin à Saulieu et la partie au dessus dud canton au long
dud chemin jusque et joignant le bois de Madame Laligant dont
on vient de parler dans lesquelles parties de bois qui appartiendront
au Seigneur de Mâcon qui vallent vingt jx et qui seront par luy
reconnues lors des ptes. Lesd habitans se sont réservé le droit
dy paccager après la quarte feuille pour en user en bon
père de famille et led seigneur de Mâcon ce acceptans tous lesd
bois seront reglé par un plant figuré qui restera joint aux ptes
et les cens à échoir seront divisés en six portions égalles et
payés par le pied à mond seigneur le duc et suivant lad clause
solidaire qui luy en résulte.
Que dès que les lots seront tirés
lesd habitans et led seigneur de Mâcon au temps quil fera
reconstruire maison sur les débris de ceux dont iceluy est résulté
... les droits et non autour de ...(?) et sans que pour cela il
puisse par quelque laps de temps que se soit prescrire aucun droit
de propriété a la ...(?) jouiront universellement du passage et
desd communs dans les six portions même en la portion de madame
Laligant en bon citoyen et pour se faire aucun dommages mais quand
a leur portion des fonds de bois il demeure deffendu à tout chacun
de commettre la moindre dégradation sur la portion dun autre
et tout cela réciproquement et jouiront chacun de leur portion
en bon père de famille le tout aux peines portées par lordce
des eaux et forest à laquelle ils se conformeront par la ...(?)
prochaine de leurs bois et, pour ce qui est dud paccage sil
arrivoit que quelques étrangers viennent se domicilier dans led
lieu de St Martin de la Mert deffence a eux de paccager dans lesd
bois même sur toute létendue ne pourra leur en être fait
que dans le cas ou ils en auroient préalablement demandé la permission
auxd habitans qui ne pourroient reffuser et convenu dun
prix en argent qui ne pourra être moindre quune portion
dune année de cens que chacun payera et à la cause que lesd
bois sont des propriétés et non des usages communs et que les
étrangers ne pourront par quelque laps de temps qui se puisse
être prescrire aucun droit de propriété dans le fonds desd bois.
Convenu en outre tout ce que dessus
par lesd six habitans que les lots qui vont être faits et tirés
au sort seront et demeureront garants les uns des autres et sans
préjudice aux droits dautrui, prévus et non prévus si aucun
se trouvent et que dans le cas où il se trouveroit quelque réclamation
juste et fondée en titres lesd habitans se réuniront pour délibérer
a la bonne foy sur la valleur du fonds réclamé pour lindemniser
ou en fonds ou en deniers et chacun à raison de légitimité établie
entre eux et ont estimé la valleur intrinsèque desd bois à la
somme de trois cent livres.
Au moyen de quoy et de tout ce que
dessus lesd habitans sont demeurés daccord et convenus de déclarer
par la pte que tant par leurs hoirs et ayant cause quils veulent
et entendent avoir a lavenir ces présentes pour fermes et stables
en conséquence des clauses et conditions y contenues ne pouvant
être regardées comme comminatoires mais de reg...(?) a peine de
tous dépens dommages et intérêts et sont convenus que chacun desd
lots seront bornés incessament et confinés en totalité et séparément
par la reconnoissance quils promettent et sobligent
de consentir conjointement et solidairement. En suitte des ptes
au proffit de mond seigneur le Duc de Nivernais il a été convenu
enfin entre lesd habitans et led seigneur de Mâcon que les frais
et tous accessoires du pt acte a quoy quils puissent monter
y compris les droits de grosse quils sobligent d'en
donner aud seign duc seront payés en sept portions égalles dont
acte.
Promettans obligeans renonçant de
fait, lu, passé aud lieu les jours et an que dessus en présence
de Claude François Renard Curé dud St Martin, le sr Pierre Couhard
de la même psse de St Martin les deux témoins a ce requis et soussigné
avec les dits Nicolas Imbert, Lazare Collenot, François Charles,
J C Billiard, Espiard de Mâcon et nous ledit notaire, les Geay
et Ronssin déclarant ne savoir signer de ce enquis la minutte
est signée Imbert, Lazare Collenot, François Charles, J C Billiard,
Espiard de Mâcon, Renard Curé de St Martin, Couhard et Herard
notre soussigné.
Clé à Lorme le 11 août 1786 signé
Emilland Ci..
Ce premier document de l'histoire
du Bois des Issards nous met d'emblée au coeur de cette
histoire qui va nous enmener jusqu'en 1822.
Il est rédigé par le notaire royal Jean Hérard
qui a pour résidence Vésigneux, petit village situé
près de St Martin du Puits, dans la Nièvre, à
une trentaine de km de St Martin.
"la maison
curialle" : Pour rédiger son acte, le notaire
s'est installé dans le presbytère de St Martin de
la Mer, qui sert de maison commune. Nous verrons plus tard d'autres
actes rédigés dans ce même lieu.
"commissaire
aux droits seigneuriaux" : Jean Hérard est
un notaire feudataire, missionné par le Duc du
Nivernais pour réaliser la rénovation de son
terrier et collecter par la même occasion les retards
de paiement du cens.
depuis 1670, date du dernier terrier,
les successions ont eu pour effet de parcelliser ce petit bois
à un point tel que l'on ne sait plus à qui appartiennent
les parcelles. Cette situation fragilise l'usage de ce bois par
les habitants de St Martin, car le Duc pourrait profiter de l'occasion
pour se réapproprier totalement le bois, à son usage
exclusif, ou le remettre à disposition d'autres propriétaires
qui n'accepteraient pas nécessairement qu'il soit terrain
commun.
"la clause
solidaire" cette formule revient à plusieurs
reprise dans ce texte, et ce n'est pas par hasard. Le notaire
a pour objectif de remplacer le flou actuel sur la propriété
du bois par une situation claire, et pour cela il associe les
habitants de St Martin et leur seigneur Espiard de Mâcon
dans une responsabilité collective qui permettra de n'avoir
plus qu'un seul interlocuteur (un des signataires) en cas de problème.
C'est peut-être cette responsabilité commune du seigneur
local et des habitants qui va poser problème au moment
de la Révolution, puisque les biens des nobles vont devenir
biens nationaux. Les biens détenus collectivement et solidairement
par des nobles et des roturiers vont être source de problèmes.
"il leur
restait la quantité de 34 arpens 35 perches..." :
les propriétaires des autres parcelles du bois sont bien
identifiés, titres à l'appui : le curé, le
perruquier Petillot de Saulieu, et la famille Donet de Conforgien.
Pour la partie restante, le notaire fait un lot pour lequel il
est convenu qu'il sera partagé en 6 parties d'égale
valeur qui seront tirées au sort entre 6 habitants du village
(François Charles, chantre de léglise, Nicolas Imbert, Lazare
Collenot, Philibert Geay dit Barbotte laboureurs, François Ronsin
et Jean Cécile Billiard manouvriers).
"les cens
dus à mondit seigneur le duc échus et à venir seront égallement
divisés et partagés... ." : les arriérés
de cens dus au Duc sont partagés en 7 ; les 6 nommés
ci-dessus et le Seigneur Espiard, qui profite de l'occasion pour
remembrer sa propriété. Il abandonne aux 6 autres
des portions éparses en échange d'un terrain d'une
surface de 20 journaux, situé au-dessus de la "chaume
des Issards".
. les co-partageants "se
sont réservé le droit dy paccager après la quarte feuille
pour en user en bon père de famille". Selon la coutume
nivernaise, les éleveurs font paître leurs troupeaux
dans les bois collectifs lorsque les taillis ont plus de 4 ans,
et qu'ils sont dits "défensables". L'infraction
à cette règle, appelée "mésus",
entraîne procès et dommages et intérêts
au propriétaire.
. "lesd
bois seront reglé par un plant figuré qui restera joint aux ptes"
: le notaire ne laisse rien au hasard. Il est accompagné
d'un arpenteur qui a établi le plan du bois. Le plan est
joint à son acte. Dommage qu'il ne nous soit pas parvenu
!
. les cens à échoir
sont partagés en 6 parts égales.
"dès que
les lots seront tirés", chacun chez soi. Il ne sera
plus autorisé de laisser divaguer les bestiaux dans le
bois du voisin.
. la suite du § a une signification incertaine (à
cause de plusieurs mots illisibles, et parce qu'il y a référence
à un usage qui reste à identifier).
en cas de litige, et aussi en cas
de revendication par un propriétaire aujourd'hui inconnu,
qui se révèlerait plus tard, une valeur de compensation
est fixée : "ils ont estimé
la valleur intrinsèque desd bois à la somme de trois cent livres".
"chacun
desd lots seront bornés incessament et confinés en totalité"
: toujours chacun chez soi. Il faudra borner les parcelles, après
le tirage au sort.
. les frais et accessoires de l'acte sont à la charge des
7 co-partageants. Redoutable mécanisme que ces reconnaissances
: le Duc les décide, et les frais sont à la charge
des contribuables. Une bonne opération financière
pour les nobles et pour les notaires.
L'acte est passé en présence
de 2 témoins : Claude François Renard , curé dud St Martin,
et Pierre Couhard de la même paroisse (il est marchand au hameau
de La Mer), et bien sûr des 7 autres intervenants déjà
cités.
. "Clé
à Lorme le 11 août 1786" : le terme contrôlé
indique l'enregistrement légal de l'acte, effectué
à Lormes (à 40 km de St Martin, dans la Nièvre).