Charles COLLENOT (né à Saulieu en 1888 - 1961) - Héros de la guerre 1914-18

Les documents ci-dessous m'ont été aimablement communiqués par Mme BLIGNY, responsable de la Bibliothèque Municipale de Saulieu.


BULLETIN PAROISSIAL DE SAULIEU – Novembre 1997

UN SEDELOCIEN A L'HONNEUR.

En ce jour du 11 novembre, une plaque de marbre noir fut inaugurée sur une maison, au n° 6 de la rue Roze. Elle porte cette inscription :

MAISON NATALE
de
CHARLES COLLENOT
1888-1961
DECORE DE LA LEGION D'HONNEUR
SUR LE CHAMP DE BATAILLE
HOMMAGE DE SES COMPATRIOTES

M. Léon Léger, président des A.C. et M. Hervey évoquèrent, non sans émotion, ce que fut Charles Collenot, particulièrement au cours de la grande guerre. Le « Bulletin Paroissial » se fait un honneur de fixer les grandes lignes de cette belle carrière.

En 1914, Collenot a 26 ans; il a fait deux ans de service militaire au 5e bataillon de chasseurs à pied. Dès le
2 août, il est mobilisé ; il reçoit avec tant d'autres le baptême du feu, c'est la défaite, la bataille des frontières est perdue, c'est la retraite mais c'est bientôt le redressement, l'ennemi est arrêté, il recule à son tour, c'est la victoire de la Marne.. La conduite de Collenot s'inscrit parmi les plus belles; insouciant du danger, il est toujours volontaire pour les missions les plus périlleuses. En 1916, il est blessé; 1916 c'est Verdun avec ses souffrances et son héroïsme; Verdun sera l'occasion pour Collenot, devenu caporal, de donner toute la mesure de sa valeur.

24 octobre 1916, attaque du fort du Douaumont, que l’ennemi occupe depuis le mois de février et qui sera repris ce jour-là. Nous laissons la parole au colonel Petit qui commandait alors la 2e compagnie, celle de Collenot, du 102e bataillon de chasseurs.

" Après avoir quitté ses parallèles de départ, de Fleury devant Douaumont, sous un effroyable bombardement, le 102e B.C.P. s'est porté en avant, dans le brouillard, sur un terrain bouleversé par les obus de tous calibres.
Les 1" et 2° compagnies sont en tête et progressent d'abord en soutien du bataillon frère le 116e B.C.P. qui doit enlever le Ravin du Bazil, à 1 kilomètre de la base de départ. L'objectif est atteint et enlevé presque sans résistance devant un ennemi désorganisé et démoralisé par nos violents tirs d'artillerie. Les prisonniers affluent déjà de toutes parts. A 13 h 40, après un court arrêt pour prendre des formations déployées, c'est à notre tour de marcher en première ligne; c'est à notre tour d'attaquer.
« Nous repartons derrière un barrage roulant qui doit nous précéder dans notre marche et nos 75 doivent allonger leur tir de 100 mètres en 4 minutes. Nous avançons donc lentement, coiffés par le «chapeau » des 75 et toujours couverts par le brouillard.
« Le ravin de la Fausse-Côte est notre objectif à un kilomètre environ. L'atteindrons-nous ?... Nous savons en effet qu'il est défendu par de fortes tranchées et qu'un bataillon ennemi s'y tient en permanence en réserve. Nous traversons un bois déchiqueté, franchissons des tranchées bouleversées puis le sol commence à descendre.
« Brusquement le nuage de brume se déchire et, devant nous, à 100 mètres, en avant d'un profond ravin, des silhouettes se découpent : une ligne de tirailleurs couchés. Ce sont les Allemands qui nous attendent. Un officier, seul, est debout, au centre, coiffé du casque, un revolver à la main.
« La scène qui se déroule en l'espace de quelques instants est extraordinaire. Notre ligne se rapproche toujours de la ligne adverse sans qu'un coup de feu ne soit tiré mais des deux côtés chacun est sur ses gardes, La distance qui nous sépare est réduite, un dénouement est imminent. Il n'y a qu'une solution : le combat. Et brusquement la fusillade ennemie crépite sur nous.
« Nous nous jetons à terre. Les balles sifflent de toutes parts. Les mitrailleuses ratissent le terrain. Deux de mes sous-officiers s'effondrent à mes côtés, grièvement blessés.
« Quelques minutes s'écoulent pendant lesquelles nos esprits reprennent leur équilibre. La guerre se joue à deux et je sais que la riposte de mes chasseurs sera prompte et impitoyable. Déjà le tir de nos grenades à fusil et de nos fusils-mitrailleurs semble efficace et gène passablement nos adversaires. Pourtant les balles sifflent toujours et, pendant que, dans mon trou, j'inspecte le terrain et guette le moment propice pour bondir en avant, j'aperçois à ma gauche, sur ce sol où les balles sèment la mort, un de nos chasseurs, un simple caporal de la 1re compagnie, le caporal Collenot, qui, tout debout, se précipite en avant en criant à pleins poumons : « Ils s'débinent! Ils s'débinent! »
Ce cri ne correspond à aucun commandement prévu par nos règlements militaires mais j'affirme que, dans les circonstances que je rapporte, ce fut le mot de la situation, véritable mot magique, qui fit basculer les évènements en notre faveur et entraîna la décision.
« Je rends ici hommage au caporal Collenot qui, malgré ses modestes galons de laine, sut trouver en lui l'inspiration héroïque d'un chef en entraînant, au moment propice, son bataillon à l'assaut d'un bataillon adverse.
« Saisissant l'occasion au vol, je me suis comme lui dressé d'un bond et nous voilà criant ensemble : « En avant ! A la baïonnette ! » C'est une ruée générale qui nous entraîne tous, courant comme des fous... Un combat brutal s'engage au corps à corps et à bout portant. Mais la majorité de nos ennemis se voyant perdue bat en retraite en dévalant dans le ravin de la Fausse-Côte où converge le tir de toutes nos armes
Un spectacle inoubliable se déroule alors sous nos yeux : l'ennemi a compris que toute résistance est désormais impossible car leur déroute éperdue tourne au massacre. Soudain, dans la cuvette profonde du ravin, 600 boches se dressent, les mains en l'air et tournés vers nous, crient à pleins poumons : « Kamarad ! »
« C'est la grande victoire, totale, complète. »
Combien émouvantes, ces lignes du colonel Petit ! Ce n'est pas de la littérature, c'est du vécu ! C'est le récit d'un témoin qui n'a pas seulement vu mais qui prit part lui-même à l'action.
Le caporal Collenot ne tarda pas à être récompensé de sa brillante conduite ? récompense qu'il ne prévoyait
certes pas au moment où il se montra si héroïque,
Voici l'ordre du jour n' 47 du G.Q.G de la division à laquelle appartenait Collenot.
« Les chasseurs de la 113e division (32e, 102e, 107e, 116e B.C.P.) peuvent être fiers du caporal Collenot, du 102e B.C.P. qui vient d'être fait chevalier de la Légion d'honneur, ce matin, par le président de la République, pour le motif suivant :

" Au cours de l'attaque du 24 octobre, le bataillon ayant été arrêté sur une position bardée de mitrailleuses, a puissamment aidé les deux commandants de compagnie de tête à enlever leurs troupes à la baïonnette pour l'abordage, en se portant lui-même en avant le premier, excitant l'ardeur et l'admiration de ses camarades qui partirent furieusement. A ainsi contribué pour une bonne part à l'enlèvement de la position dans des conditions brillantes.
« Cette distinction, qui n'a encore été conférée qu'à un seul homme de troupe non médaillé de l'Armée française, est la juste récompense de la belle conduite du caporal Collenot, au cours de l’attaque du 24 octobre.
« La bravoure de caporal Collenot devra leur servir de guide à tout instant...
Le Général commandant la 113e D.I.
Signé. : PASSAGA. »


Charles COLLENOT a servi de modèle lors de la sculpture du monument aux morts de Saulieu, sa ville natale

Mme Poincaré, femme du président de la République, demande au caporal Collenot de l'accepter comme marraine de guerre et, en 1921, c'est le Président Poincaré lui-même qui viendra, accompagné de son épouse, inaugurer à Saulieu le monument aux morts de la guerre. Ce monument, tous les Sédélociens le connaissent, mais savent-ils que le soldat qui est là, sculpté dans la pierre, n'est pas un anonyme, simplement une figure, un symbole ? C'est Collenot lui-même dont le sculpteur a fixé les traits dans la pierre... Ceux qui l'ont connu le reconnaissent certainement.

Collenot est mort à Paris, âgé de 72 ans, en Janvier 1961; son corps repose au cimetière de Saulieu.

M. le Curé remercie M. Hervey qui lui a aimablement fourni les renseignements nécessaires à la rédaction de cet article.


Au journal officiel du 10 août 1950 est parue la loi n° 50917 du 09 août 1950.

Pour candidature au grade d'officier de la Légion d'Honneur:
COLLENQT Charles, né le 7 avril 1888 à Saulieu (Côte d'Or).
Classe 1908, n° au registre matricule 1467, bureau de recrutement de Dijon.
Service militaire de 2 ans au 5è bataillon de chasseurs à pied.
Rappelé à l'activité le 2 août 1914 au groupe cycliste à Montbéliard.
Passé le 28 février 1915 au 8è groupe cycliste affecté à la 8è Division de cavalerie.
Nommé caporal en septembre 1915.
Passé au 102è bataillon de chasseurs à pied le 18 août 1916.
Fait prisonnier le 27 novembre 1917, zone St Georges, Nord Belgique,
Rapatrié le 17 décembre 1918.
Passé au 27è d'infanterie.'
Passé au 1er groupe d'aviation à Istres, mars 1919.
Démobilisé le 29 août 1919.
Blessure et citation pendant la guerre de 1914-1918.
Fait chevalier de la Légion d'Honneur le 6 noyembre1916.

1° Blessé le 15 décembre 1916 par éclat d'obus bras gauche (devant Besonvaux Verdun}.

2° Ordre de la 124è division Général Dantant (Auberive en Champagne) :
Le chasseur de 2è classe Collenot Charles, N° Matricule 0268 au 8è groupe cycliste, le 30" août 1915 s'est jeté sans ordre de la tranchée dans un poste avancé dont 6 sur 7 occupants venaient d 'être tués ou blessés. Est venu rendre compte à son chef et ensuite, de lui-même, est retourné au poste dont~le dernier occupant venait d'être tué.

3° Ordre de la 214è brigade Général Ancelin (village de Fleury Verdun).
Collenot Charles, caporal, Matricule 4537 au 102è Bataillon de chasseurs à pied., superbe au feu du 26 septembre au 3 octobre 1916, n'a cessé de se dépenser sans compter en utiles efforts, de donner à tous l’exemple d'un courage, d'une audace, doublés d'une activité étendue au delà de tous les éloges.

4° Grand quartier général des armées, Général Joffre (La Fausse côte Verdun) Collenot Charles, caporal, Matricule 4537 au 102è bataillon de chasseurs à pied: au cours de l'attaque du 24 octobre 1916, le bataillon ayant été arrêté sur une position bordée de mitrailleuses., a puissamment aidé les deux commandants de compagnies de tête à enlever leurs troupes à la baïonnette pour l'assaut en se portant en avant le premier, excitant l'ardeur et l'admiration de ses camarades qui s'élancèrent résolument à sa suite. A ainsi contribué .largement pour une grosse part à l'enlèvement de la position dans des conditions brillantes.

5° Ordre de la 214è brigade Général Vérillon (devant la village de Besonvaux Verdun)
Collenot Charles, caporal, Matricule 4537 au 102è bataillon de chasseurs à pied. D'un allant et d'une énergie sans pareille, a assuré la liaison entre son commandant de compagnie et les diverses unités dans des circonstances excessivement difficiles. Le 15 décembre.1916, blessé dans l'accomplissement de sa mission.. .

6° Ordre du bataillon commandant Florentin (chemin des Dames) :
S'est dépensé sans compter pendant le séjour de la compagnie aux tranchées, s'est fait remarquer comme toujours par son calme dans les moments difficiles et son entrain au moment de l'attaque (avril et mai 1917).
Le chef de bataillon de la Pomélie commandant le 102è BCP certifie que le caporal Collenot Charles Matricule 4537 a effectivement pris part aux combats des 24 octobre et 15 décembre 1916 pour lesquels le port de la fourragère a été accordé au corps le 30 mai 1917.

Je déclare sur l'honneur que mes états de service: blessure et citations sont exacts. Je n'ai pas fait l'objet postérieurement d'une nomination ou promotion dans l'ordre de la Légion d'Honneur à quelque tItre que ce soit.
Fait à Paris, le octobre 1950

Ch. COLLENOT


Les Obsèques de Charles COLLENOT

Celui qui avait servi de modèle au sculpteur du monument aux morts 14-18, qui se dresse à SAULIEU, face à l'est, sur la promenade Monge, Charles COLLENOT, sédélocien, fut un des nombreux filleuls de guerre de Mme Poincaré; ce fut aussi et ce n'est pas là son moindre titre, le premier soldat de deuxième classe décoré de la Légion d'honneur pour faits de guerre. Cette décoration il l'a reçue sur le front, des mains du Président Poincaré pour action d'éclat au Ravin de la fausse Côte, à proximité de Douaumont. Charles Collenot, Officier de la Légion d'Honneur, médaillé de Verdun, Croix de Guerre avec 5 Palmes, Croix du Combattant, Médaille Interallié et médaille commémorative 14-18, fut également blessé. A la fin de la guerre, il rentra au musée du Louvre où il resta jusqu'à l'âge de la retraite.


Le Bien Public – Vendredi 14 novembre 1997

Saulieu inaugure la rue Charles-Collenot

La figure d’un héros de 14-18 dévoilée au passant

A l'occasion des cérémonies commémoratives du 11 novembre, la municipalité de Saulieu et les anciens combattants du secteur ont inauguré la rue Charles-Collenot. Hommage rendu à ce Sédélocien qui défendit remarquablement sa patrie lors de guerre de 14-18. La rue, située juste à côté du centre social, passe devant sa maison natale : elle ne se dénommera plus rue Rose, mais rue Charles-Collenot. Instant solennel quand Patrice Vappereau, maire de Saulieu, Raymond Boyer et Hélène, la fille de Charles Collenot ont dévoilé la plaque.


Le petit-fils de Charles Collenot parlant de son grand-père

Charles Collenot vit le jour le 7 avril 1888 à Saulieu. Un des nombreux filleuls de guerre de Mme Poincaré, il servit de modèle au sculpteur du monument aux morts 14-18 qui se dresse à Saulieu, face à l'est, sur la promenade Monge. Authentique héros de la guerre 14-18, il fut également le premier soldat de deuxième classe décoré de la Légion d'honneur pour faits de guerre. Il reçut cette décoration sur le Front, des mains du président Poincaré pour action
d'éclat au Ravin de la fausse Côte, à proximité de Douaumont.

« Simple gardien au musée du Louvre »
A la fin de la guerre, Charles Collenot rentra au musée du Louvre où il resta jusqu'à l'âge de la retraite. « Pas plus qu'il n'avait supporté l'invasion teutonne, il ne supporta l'oppression hitlérienne. Alors, simple gardien au musée du Louvre, il a protégé ce qu'il a pu de la convoitise nazie. Ainsi, beaucoup d’œuvres de notre patrimoine ont pu échapper au pillage.


Instant solennel salué par les jeunes sapeur-pompiers

Sauvant ensuite de la déportation
Mais peut-être son plus grand titre de gloire est-il d'avoir compris avant d'autres qu'en raison de leur race, de leur religion et autres prétextes inhumains, des innocents étaient en danger de mort, et de ne pas l'avoir accepté. Et c'est en prenant les risques les plus extrêmes, pour lui et sa famille, qu'en les hébergeant, protégeant leurs biens jusqu'à la Libération, allant jusqu'à faire porter le nom de Collenot au petit Jean-Michel Goldberg, il a ainsi sauvé de la déportation une famille de voisins en danger de mort. »

Officier de la Légion d'honneur, médaille de Verdun, Croix de guerre avec 5 Palmes, Croix du Combattant, Médaille Interallié et médaille commémorative 14-18, Charles Collenot marqua cette période sombre de l'histoire.
Lui dédier une rue est le plus bel hommage qu'on puisse lui rendre, ainsi qu'à sa famille,

E. GAUMONT

 

La bravoure du caporal Collenot

Le 30 août 1915, alors qu'il était chasseur de 2e classe au 8e groupe cycliste, Charles Collenot n'hésita pas à se jeter, sans ordre, de la tranchée dans un poste avancé dont 6 sur 7 occupants venaient d'être tués ou blessés. Il alla en rendre compte à son chef avant de retourner au poste dont le premier occupant venait d'être tué.
Du 26 septembre au 3 octobre 1916, superbe au feu, Charles Collenot ne cessa de se dépenser sans compter en utiles efforts, de donner à tous l'exemple d'un courage, d'une audace, doublés d'une activité étendue au delà de tous les éloges.
En septembre 1915, nommé caporal, Charles Collenot passait au 102e bataillon de chasseurs à pied le 18 août 1916.

En avant le premier
« Au cours de l'attaque du 24 octobre, le bataillon ayant été arrêté sur une position bardée de mitrailleuses, Charles Collenot a puissamment aidé les deux commandants de compagnie de tête à enlever leurs troupes à la baïonnette pour l'abordage en se portant lui-même en avant, le premier, excitant l'ardeur et l'admiration de ses camarades qui s'élancèrent résolument à sa suite.
Il contribua ainsi pour une grande part à l'enlèvement de la position dans des conditions brillantes »
D’un allant et d’une énergie sans pareille, il assura la liaison entre son commandant de compagnie et les diverses unités dans des circonstances excessivement difficiles.
Le 15 décembre 1916, il fut blessé.
Mais cela ne l'empêcha pas de continuer puisque, d'avril à mai 1917, pendant le séjour de sa compagnie aux tranchées, il se fit remarquer par son calme dans les moments difficiles et son entrain dans les moments de l’attaque.

La rue Charles Collenot, passant devant sa maison natale

(photos F. Gaumont)